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Y'a pas de mal à se faire du bien

... J'ai redécouvert récemment dans ma bibliothèque cet étonnant texte de Mark Twain que je me permets de partager avec vous parce qu'il n'y a pas que Tom Sawyer (c'est l'Amérique) et Huckleberry Finn dans la vie.

 

 

Quelques pensées sur la science de l'onanisme

 

 

    Mon talentueux prédécesseur vous a mis en garde contre cette "tare sociale qu'est l'adultère". Sa pertinente allocution a épuisé le sujet; il n'y a absolument rien à ajouter. Mais je vais poursuivre sa pieuse mission au service de la moralité en vous prévenant des dangers de cette sorte de divertissement qu'on appelle "abus de soi", auquel, je le crayons, vous succombez souvent. Tous les grands auteurs, les hygiénistes ou les moralistes se sont colletés à cet imposant sujet, révélant du même coup sa dignité et son importance. Certains ont pris parti pour, d'autres contre.

 

Homère, dans son deuxième livre de L'Iliade déclare avec un bref enthousiasme : "Qu'on me donne la masturbation ou la mort ! " César observe dans ses Commentaires : "Au solitaire, elle tient compagnie; à l'esseulé, elle sert d'ami; elle est bienfaisante au vieux et à l'impuissant. Ceux qui sont sans le sou deviennent riches grâce à cette majestueuse occupation. " Ailleurs, notre observateur expérimenté remarque : "Il arrive que je la préfère à la sodomie. "

 

Robinson Crusoé ajoute : "Je ne saurais décrire ce que je dois à cet art délicat. " La Reine Elizabeth affirme : "C'est le rempart de la virginité. " Pour Cetewoyo, le héros zoulou : "Un tient dans la main vaut mieux que deux dans le barbu. " L'immortel Benjamin Franklin a pour sa part tonné : " La masturbation est la mère de l'invention. " Et aussi : " La masturbation est la meilleur politique. "

 

Michel-Ange et tous les autres Vieux Maîtres - je me permettrais de remarquer que "Vieux Maîtres" n'est qu'une abréviation - ont employé un langage équivalent. Michel-Ange a dit au Pape Jules II : " S'humilier est noble, se cultiver utile, se maîtriser viril mais pour l'âme vraiment grande et inspirée, ce sont des pauvres et piètres substituts à l'art d'abuser de soi. " M. Browne (NDLA : autre nom de plume de Mark Twain, comme Samuel Clemens pour la poésie), dans l'un de ses poèmes les plus récents et gracieux, y fait allusion par un vers éloquent qui vivra jusqu'à la fin des temps : "Nul qui ne l'aime la connaissant, nul qui ne la vénère en la nommant. "

 

Y'a pas de mal à se faire du bien

Telles sont les déclarations des plus illustres des maîtres de cette science fameuse et de ses laudateurs. Les noms de ceux qui la décrient et s'y opposent sont légion; ils ont avancé de vigoureux arguments et proféré d'amers discours à son encontre - mais nous n'avons pas la place de les répéter avec force détails. Brigham Young (NDLA : 2e Président de l'Eglise Mormone), expert d'une autorité incontestable a lancé : "Comparé à l'autre chose, c'est la différence entre la luciole et l'éclair. " Salomon a affirmé : " Elle n'a pour elle que son prix modique. " Galine observe : " Il est honteux d'avilir par un usage aussi bestial ce grand organe, ce membre redoutable que nous autres, serviteurs de la science, adoubons le Grand Maxillaire - quand ils l'adoubent, ce qui est rare - mieux vaudrait amputer l'os frontis que l'utiliser à un tel emploi. "

 

Le grand statisticien, Adam Smith, observe dans son rapport au Parlement : " À mon sens, plus d'enfants ont été perdus de la sorte que d'aucune façon. " On ne saurait nier que la haute antiquité de cet art lui donne le droit à notre respect; en même temps, je pense que sa nocivité exige notre condamnation. M. Darwin fut affligé de devoir renoncer à sa théorie qui voulait que le singe est le maillon reliant l'homme aux animaux inférieurs. Je pense qu'il a montré trop de hâte. Le singe est le seul animal, l'homme mis à part, qui pratique notre science; d'où il ressort qu'il est notre frère; il existe un lien de sympathie entre nous. Donnez à ce subtil animal un auditoire approprié et il interrompre sur le champ ses autres occupations pour s'astiquer; et vous observerez à ses contorsions et à son expression extatique qu'il montre un intérêt intelligent et humain à sa démonstration.

 

Les symptômes d'un goût excessif pour ce néfaste passe-temps sont aisément visibles. Ils consistent en une disposition à manger, boire, fumer, se rencontrer dans la convivialité, rire, plaisanter et raconter des histoires indélicates - et surtout à un goût pour les dessins. L'habitude d'y recourir entraîne une perte de mémoire, de virilité, d'enthousiasme et de descendance.

Y'a pas de mal à se faire du bien

De tous les genres de rapports sexuel, il a au moins ceci en sa faveur. En tant qu'amusement, il est trop éphémère; en tant qu'occupation, il est trop lassant; en tant qu'exhibition, il ne saurait rapporter d'argent. Il est impropre à la vie de salon et, dans la société la plus cultivée, voilà longtemps qu'on l'a banni de la conversation. Il a fini, à notre époque de progrès et d'amélioration, par être ravalé au rang de flatulence. Chez les gens les mieux élevés, ces deux actes sont réservés à l'intimité - bien qu'il reste possible, avec l'assentiment de la compagnie, quand elle est exclusivement masculine, de lever l'embargo sur le soupir du fondement.

 

Mon illustre prédécesseur vous a appris que toutes les formes de " plaies sociales " sont mauvaises. J'aimerais vous persuader que certaines sont plus à proscrire que d'autres. Je dirai donc en forme de conclusion : " S'il vous faut risquer votre existence sexuellement, ne jouez pas trop à la mandoline. " Si vous éprouvez un soulèvement révolutionnaire de votre système, faites tomber votre colonne Vendôme d'une autre manière - ne vous tapez pas la colonne.

Y'a pas de mal à se faire du bien

Ce texte a été rédigé par Mark Twain pour une allocution prononcée devant les membres du Stomach Club à Paris, en 1879 puis longtemps caché et enfin édité par la suite par l'Association Mark Twain en Amérique en 1948 malgré un immense tollé. Etonnant, non ?

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U
Comment ?? Qu'est ce que vous dites??
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J
Vous pourriez écrire plus gros?
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P
Je croyais que ça rendait sourd, pas aveugle...