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C'est mercredi, c'est poésie

... Alors c'est-à-dire que, bonjour d'abord car soyons poli à défaut d'être joli, j'étais absolument persuadé qu'hier nous étions mercredi, d'où mon article des Gifs du Credi apreslapub.fr/les-gifs-du-credi-15, hein, logique. Alors qu'en fait, pas du tout. Nous sommes mercredi aujourd'hui et de fait, je pensais que nous étions jeudi donc je vous avais préparé un peu de poésie. Mais comme jamais trop de poésie ne nuit, je rattraperai le retard, ou l'avance, demain avec encore un peu de poésie, histoire d'être prêt pour le Bordel du Vendredi pour vendredi. Pas pour jeudi. Voyez ? Mais passons à un peu de poésie. Ci-dessous. Merci.

 

 

Mon pied ne me donne

que du désagrément. La voûte

plantaire, la cheville - autrement dit

j'ai mal en marchant. Mais

ce sont surtout ces orteils

qui me tracassent. Ces

"doigts de pieds" comme on les

appelle aussi. Dernière extrémité,

c'est le cas de le dire !

Fini pour eux le délice

d'entrer tête la première

dans un bain brûlant ou

une chaussette de cachemire. Chaussettes de

   cachemire,

pas de chaussettes, pantoufles, chaussures,

   bande

Velpeau - tout ça c'est pareil

pour ces couillons d'orteils,

 

Ils ont même l'air abruti

et déprimé, comme si

quelqu'un les avait bourrés

de Largatil. Ils font le gros dos

hébétés et muets - machins sans vie,

sinistres. Que se passe-t-il, bon sang ?

 

 

Qu'est-ce que c'est que ces orteils

pour qui plus rien ne compte ?

Sont-ils vraiment les miens,

ces orteils ? Ont-ils oublié

les jours anciens, ce que c'était

qu'être vivant ? Toujours au premier

rang, premiers sur la piste de danse,

quand la musique commençait.

Premiers à faire la fête.

Regardez-les. Non, n'en faites rien.

Mieux vaut ne pas les voir,

ces loches. Ce n'est qu'à grand-peine

et avec difficulté qu'ils se rappellent

l'ancien temps, le bon temps.

Peut-être ne désirent-ils vraiment

que rompre tout lien

avec la vie d'avant, repartir de zéro,

se terrer, vivre seuls

dans un manoir retiré

quelque part dans la vallée de Yakima.

 

C'est mercredi, c'est poésie

Mais il fut un temps

où ils frémissaient d'avance,

se tortillaient tout simplement

de plaisir

à la moindre provocation,

la plus petite chose.

Le frôlement d'une robe de soie

sous les doigts, peut-être.

Une voix mélodieuse, une caresse

sur la nuque, voire

un coup d'œil en passant. Qu'importe !

Le bruit des agrafes qui

cèdent, des corsets qui

s'ouvrent, des vêtements qu'on laisse

tomber sur les lattes fraîches d'un plancher.

 

Raymond Carver - Les orteils - in "Poésie" édition Points.

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