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C'est jeudi, c'est poésie

 

Certes, elle n'était pas femme et charmante en vain,
Mais le terrestre en elle avait un air divin.
Des flammes frissonnaient sur ses lèvres hardies ;
Elle acceptait l'amour et tous ses incendies,
Rêvait au tutoiement se risquait pas à pas,
Ne se refusait point et ne se livrait pas ;
Sa tendre obéissance était haute et sereine;
Elle savait se faire esclave et rester reine,
Suprême grâce ! et quoi de plus inattendu
Que d'avoir tout donné sans avoir rien perdu !
Elle était nue avec un abandon sublime
Et, couchée sur un lit, semblait sur une cîme.

 

C'est jeudi, c'est poésie

A mesure qu'en elle entrait l'amour vainqueur
On eût dit que le ciel lui jaillissait du coeur ;
Elle vous caressait avec de la lumière ;
La nudité des pieds fait la marche plus fière
Chez ces êtres pétris d'idéale beauté ;
Il lui venait dans l'ombre au front une clarté
Pareille à la nocturne auréole des pôles ;
A travers les baisers de ses blanches épaules
On croyait voir sortir deux ailes lentement ;
Son regard était bleu, d'un bleu de firmament ;
Et c'était la grandeur de cette femme étrange
Qu'en cessant d'être vierge elle devenait ange.

 

Victor Hugo, in "Toute la lyre", publié en 1888.

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