25 Juin 2020
Parfois, quand j'aperçois mon flamboyant visage
Lorsqu'il vient d'échapper à ta bouche et tes doigts
Je ne reconnais pas cette exultante image
Et je contemple avec un déférent effroi
cette beauté que je te dois !
Comme des bleus raisins mes cheveux noirs oscillent
Ma joue est écarlate et mon œil qui jubile
Mêle à sa calme joie un triomphant maintien ;
Je n'ai vu ce regard fleurissant et païen
Que chez les chèvres de Sicile !
Moment fier et sacré où, sevré de désir
Mon cœur méditatif dans l'espace contemple
La seule vérité dont nous sommes le temple ;
Car que peut-il rester dans le monde à saisir
Pour ceux qui possèdent leur univers ensemble
Ont mis l'honneur dans le plaisir ?
Anna de Noailles in Poème de l'amour, 1924.