1 Juin 2017
La Femme adultère
Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu’elle était adultère
Ce fut la Saint-Jacques la nuit
Par rendez-vous et compromis
Quand s’éteignirent les lumières
Et s’allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s’ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l’empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par douze couteaux à la fois
Les cimes d’arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyait loin de la rivière
Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s’enfonce
Et fait un trou dans le limon
Quand ma cravate fût ôtée
Elle retira son jupon
Puis quand j’ôtai mon ceinturon
Quatre corsages d’affilée
Ni le nard ni les escargots
N’eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N’ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s’enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L’une moitié toute embrasée
L’autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers
Je suis homme et ne peux redire
Les choses qu’elle me disait
Le clair entendement m’inspire
De me montrer fort circonspect
Sale de baisers et de sable
Du bord de l’eau je la sortis
Les iris balançaient leur sabre
Contre les brises de la nuit
Pour agir en pleine droiture
Comme fait un loyal gitan
Je lui fis don en la quittant
D’un beau grand panier à couture
Mais sans vouloir en être épris
Parce qu’elle était adultère
Et se prétendait sans mari
Quand nous allions vers la rivière
Federico Garcia Lorca.
Extrait de « El Romancero Gitano ».