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C'est jeudi, c'est Poésie

 

Tu ne m'as pas fait souffrir

mais attendre.

 

En ces heures

broussailleuses, remplies

de serpents,

lorsque

mon cœur sombrait et que je me noyais,

tu t'avançais,

tu venais nue, toute griffée,

tu arrivais en sang jusqu'à mon lit,

novia mia,

et nous marchions

toute la nuit

en dormant :

à notre réveil,

tu étais intacte et nouvelle,

comme si le vent grave de nos rêves

avait rallumé

tes cheveux,

comme s'il avait plongé ton corps dans le blé

et dans l'argent pour le rendre à nouveau éblouissant.

C'est jeudi, c'est Poésie

Je n'ai pas souffert, mon amour

tout simplement, je t'attendais.

Il te fallait changer de cœur

et de regard

depuis que tu avais touché cette profonde

zone de mer que ma poitrine te livrait.

Il te fallait sortir de l'eau

pure comme une goutte soulevée

par une vague dans la nuit.

 

Novia mia, il t'a fallu

mourir et naître, je t'attendais.

Te cherchant, je n'ai pas souffert,

je savais, oui, que tu viendrais,

une nouvelle femme avec ce que j'adore

de celle qui n'adorait pas,

avec tes yeux, tes mains, avec ta bouche,

mais avec un cœur différent,

celle qui s'éveilla un jour auprès de moi

comme si elle s'y était trouvée depuis toujours

pour à jamais poursuivre à nous deux le chemin.

 

Pablo Neruda, Tu venais, in 20 poèmes d'amour et une chanson désespérée", ed. Gallimard Poésie.

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J
Chiément délicat<br /> <br /> Compliment Madame!
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