13 Mai 2021
Je veux m'abstraire vers vos cuisses
et vos fesses,
Putains, du seul vrai Dieu seules
prêtresses vraies,
Beautés mûres ou non, novices ou
professes,
Ô ne vivre plus qu'en vos fentes et
vos raies !
Vos pieds sont merveilleux, qui ne
vont qu'à l'amant,
ne reviennent qu'avec l'amant,
n'ont de répit
qu'au lit pendant l'amour, puis
flattent gentiment
Ceux de l'amant qui, las et soufflant,
se tapit.
Pressés, fleurés, baisés, léchés
depuis les plantes
jusqu'aux orteils, sucés les uns
après les autres,
jusqu'aux chevilles, jusqu'aux lacs
de veines lentes,
Pieds plus beaux que des
pieds de héros et d'apôtres !
J'aime fort votre bouche et ses jeux
gracieux,
Ceux de la langue et des lèvres et
ceux des dents
Mordillant notre langue et parfois
même mieux,
Truc presque aussi gentil que de
mettre dedans ;
Et vos seins, double mont d'orgueil
et de luxure
Entre quels mon orgueil viril
parfois se guinde
Pour s'y gonfler à l'aise et s'y
frotter la hure :
Tel un sanglier ès vaux du Parnasse
et du Pinde.
Vos bras, j'adore aussi vos bras si
beaux, si blancs,
Tendres, et durs, dodus, nerveux
quand il faut, et beaux
Et blancs comme vos culs et
presque aussi troublants,
Chauds dans l'amour, après frais
comme des tombeaux.
Et les mains au bout de ces bras, que je
les gobe !
La caresse et la paresse les ont bénies,
Rameneuses du gland transi qui se
dérobe,
Branleuses aux sollicitations infinies !
Mais quoi ? Tout ce n'est rien, Putains,
aux prix de vos
Culs et cons dont la vue et le goût et
l'odeur
Et le toucher font des élus de vos dévots,
Tabernacles et Saint des Saints de
l'impudeur.
C'est pourquoi, mes sœurs,
vers vos cuisses et vos fesses
Je veux m'abstraire tout, seules
compagnes vraies,
Beautés mûres ou non, novices ou
professes,
Et ne vivre plus qu'en vos fentes
et vos raies.
Paul Verlaine in Coffret Pornographie, édition Derrière la salle de bains Week-end poetry.