26 Novembre 2020
La fille :
À quoi rêves-tu sous la couverture,
O mon cher poète, ô mon doux amant ?
Ne suis-je donc plus cette créature
Que tu désirais passionnément ?
Tu mourais pour moi d'un amour immense,
Dans de vers fort beaux... que je n'ai pas lus ;
Notre fouterie à peine commence,
Et déjà, mon cher, tu ne bandes plus !
Tes couilles, je vois, se vident plus vite
Que ton encrier plein de sperme noir ;
Ta pine n'est plus qu'une humble bibite
Indigne d'entrer dans mon entonnoir !
Pourtant, si j'en crois mes propres rivales,
Je réveillerais le plus mort des morts :
D'un coup de ce cul qu'ici tu ravales
Sans en éprouver le moindre remords.
Ma gorge se tient mieux qu'un militaire ;
Mon con est boisé comme l'est Meudon,
Afin de chasser l'autel du mystère
Où l'on officie en toutes saisons.
J'ai des cheveux roux comme des carottes ;
Des yeux de faunesse émerillonnées,
Qui guignent les vins au fond des culottes
Et des pantalons les mieux boutonnés.
Je possède l'art du casse-noisette,
Qui ferait jouir un nœud de granit,
Un coup avec moi n'est qu'une amusette :
Quand on est à douze, on n'a pas fini !
Et lorsque mon con a soif de ton sperme,
Lorsqu'il en attend dix litres au moins,
Tu sers une goutte ou deux, puis tu fermes
Le doux robinet des ruisseaux divins !
Est-ce du mépris ou de l'impuissance ?
Es-tu pédéraste ou castrat, voyons ?
Un pareil état m'excite et m'offense :
Donc, descends du lit ou bien rouscaillons !
Le poète :
je sens les sonnets pousser sur mes lèvres,
À vous contempler dans cet abandon ;
Vous me rappelez les biscuits de Sèvres
Pétris par la main du grand Clodion.
Corrèges vous eut peinte en Antiope,
À voir votre pose et vos charmes nus...
Je vous aime ainsi, divine salope :
La Farcy n'a pas de telles Vénus !
Je vous chanterai dans mes hexamètres,
Superbe catin dont je suis l'amant :
Des vers parfumés comme ceux des Maîtres,
Qu'on lit d'une main, tout en se pâmant.
La fille :
Conserve tes vers pour une autre muse
Qui se montera mieux le bourricot ;
Ce n'est pas cela, mon cher, qui m'amuse :
Sois moins poète et beaucoup plus cochon !
Ingrat ! Tu m'as mis le foutre à la bouche !
J'allais presque entrer dans le paradis ;
Maintenant je suis réduite, farouche,
À me branler... moi ! Que je te maudis !...
Bande ta pine et débande ta lyre :
L'important au lit est de pisser droit ;
La femme n'est pas au monde pour lire...
Le nœud d'un goujat vaut celui d'un roi !
Ah ! Je n'y tiens plus ! Le cul me démange !
Qu'on aille me chercher l'Auvergnat du coin :
Car je veux sentir le vit de cet ange
Enfoncer mon con, comme avec un coin !
Alfred Delvau (secrétaire particulier de Ledru Rollin, journaliste, écrivain) in Fouterie de poète - Priapeville, Librairie galante, An III du XXe siècle foutatif. 1903.