22 Avril 2021
Petite pouliche farouche,
Mais pourquoi, de tes yeux pervers
M'aguichant ainsi de travers,
Ne souffres-tu que je te touche ?
Comme une génisse qui mouche
Tu sautelles par les prés verts :
tu te perds ensemble et me perds,
Ne voulant point que je t'approche.
Ne m'estimes-tu qu'une souche ?
Crois-tu que je ne sache rien ?
Si fait, si fait : je m'entends bien
À mettre le mors en bouche.
Je sais comme c'est que l'on dresse
La cavale qu'il faut choyer
La domptant sans la rudoyer,
J'en sais la façon et l'adresse.
Je sais manier à passade,
À sauts, à courbettes, à bond,
À toutes mains, en long, en rond,
Et ne craindrais point les ruades.
Arrête, pouliche farouche !
Modèle ta course et ton cœur ;
Apprends si je suis un bon piqueur,
Et prends le mors dedans ta bouche.
D'une jeune fuyarde par Jean-Antoine Baïf (fondateur de l'Académie de poésie et de musique en 1570 et co-fondateur de l'école de La Pléiade avec Ronsard et du Bellay). Cité in Petite anthologie de la poésie érotique (Ed. Michalon, 2002).