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C'est jeudi, c'est poésie

La jeune Elvire, à quatorze ans,

Livrée à des goûts innocents,

Voit, sans en deviner l'usage,

Eclore ses appâts naissants ;

Mais l'amour, effleurant ses sens,

Lui dérobe un premier hommage :

Un soupir

Vient d'ouvrir

Au plaisir

Le passage ;

Un songe a percé le nuage

 

Lindor, épris de sa beauté,

Se déclare ; il est écouté :

D'un songe, d'une vaine image,

Lindor est la réalité ;

Le sein d'Elvire est agité,

Le trouble a couvert son visage.

Quel moment

Si l'amant,

Plus ardent

Ou moins sage

Pouvait hasarder davantage !

 

Mais quel transport vient la saisir !

​​​​​​​Cet objet d'un premier désir,

Qu'avec rougeur, elle envisage,

Est l'époux qu'on lui doit choisir ;

On les unit :

​​​​​​​Dieux ! quel plaisir !

Elvire en fournit plus d'un gage.

Les ardeurs,

Les langueurs,

Les fureurs,

Tout présage

Qu'on veut un époux sans partage.

 

 

"Rolla", 1878 par Henri Gervex

"Rolla", 1878 par Henri Gervex

Dans le monde, un essaim flatteur

Vivement agite son cœur ;

Lindor est devenu volage,

Lindor méconnaît son bonheur.

Elvire a fait choix d'un vengeur ;

Il la prévient, il l'encourage :

Vengez-vous ;

Il est doux,

Quand l'époux

Se dégage,

Qu'un amant répare l'outrage.

 

Voilà l'outrage réparé ;

Son cœur n'est que plus altéré

Des plaisirs le fréquent usage

Rend son désir immodéré ;

Son regard fixe et déclaré

À tout amant tient ce langage

Dès ce soir,

Si l'espoir

De m'avoir

Vous engage,

Venez, je reçois votre hommage.

 

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais in Choix de Chansons galantes d'autrefois, par Paul Marion (Ed. H. Daragon, 1911). Pour en savoir plus sur "Rolla" d'Henri Gervex, c'est par ici : HPI Rolla Henri Gervex

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