6 Mai 2021
La jeune Elvire, à quatorze ans,
Livrée à des goûts innocents,
Voit, sans en deviner l'usage,
Eclore ses appâts naissants ;
Mais l'amour, effleurant ses sens,
Lui dérobe un premier hommage :
Un soupir
Vient d'ouvrir
Au plaisir
Le passage ;
Un songe a percé le nuage
Lindor, épris de sa beauté,
Se déclare ; il est écouté :
D'un songe, d'une vaine image,
Lindor est la réalité ;
Le sein d'Elvire est agité,
Le trouble a couvert son visage.
Quel moment
Si l'amant,
Plus ardent
Ou moins sage
Pouvait hasarder davantage !
Mais quel transport vient la saisir !
Cet objet d'un premier désir,
Qu'avec rougeur, elle envisage,
Est l'époux qu'on lui doit choisir ;
On les unit :
Dieux ! quel plaisir !
Elvire en fournit plus d'un gage.
Les ardeurs,
Les langueurs,
Les fureurs,
Tout présage
Qu'on veut un époux sans partage.
Dans le monde, un essaim flatteur
Vivement agite son cœur ;
Lindor est devenu volage,
Lindor méconnaît son bonheur.
Elvire a fait choix d'un vengeur ;
Il la prévient, il l'encourage :
Vengez-vous ;
Il est doux,
Quand l'époux
Se dégage,
Qu'un amant répare l'outrage.
Voilà l'outrage réparé ;
Son cœur n'est que plus altéré
Des plaisirs le fréquent usage
Rend son désir immodéré ;
Son regard fixe et déclaré
À tout amant tient ce langage
Dès ce soir,
Si l'espoir
De m'avoir
Vous engage,
Venez, je reçois votre hommage.
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais in Choix de Chansons galantes d'autrefois, par Paul Marion (Ed. H. Daragon, 1911). Pour en savoir plus sur "Rolla" d'Henri Gervex, c'est par ici : HPI Rolla Henri Gervex