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Mon Oncle


... Non, Mon Oncle ne parlera pas de Jacques Tati, sublime cinéaste de la lenteur et de l'émotion, qui obtint pour ce film génial l'oscar du meilleur film étranger et le prix spécial du jury à Cannes en 1958. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas de mon oncle qu'il s'agit aujourd'hui mais de l'oncle de quelqu'un d'autre. Et d'un autre que je ne connais pas en plus. Cet autre est Lê Chau Cuong. Il est photographe. Et comme c'est son oncle à lui, je ne vais pas me lancer dans un des mes longs monologues habituels plein de mots compliqués qui font mal à la tête des moins de 18 ans bubonneux. Je préfère lui laisser parler de son oncle car il le fait très bien lui-même et en plus, il l'a photographié avec talent et pudeur qui ne sont pas deux nouvelles marques d'appareils photo super hypes top tendance disponibles à Tokyo.




"Mon oncle vit à Saigon.
Mon oncle ne sort pas de chez lui, reste cloîtré dans notre demeure familiale, arpentant les 2 étages à longueur de journée, quelque soit les saisons et les soubresauts de la ville ou de la vie quotidienne. Cela fait près de quarante ans qu’il en est ainsi.



 


Mon oncle a perdu la vue, défiguré et brûlé à près de 80 % suite à un jet d’acide chlorhydrique au visage. Si les raisons et les motifs en sont personnels, ils s’inscrivaient à l’époque dans un contexte historique difficile et instable (la guerre du Viêt-nam dans les années 1970 qui opposait les Viêt-cong aux représentants du gouvernement du sud en place, soutenu par les Etats-Unis).


 


La responsable de ce geste passionnel et déraisonné fut arrêtée. D’autres actes similaires furent répertoriés au cours de cette période et les coupables également incarcérées. Mais, l’arrivée au pouvoir des Viêt-Cong permit à ces femmes d’être libérées après qu’elles eurent revendiqué leurs gestes de « patriotiques », institutionnalisant ainsi leurs crimes ; les victimes étant souvent des membres ou des sympathisants de l’ancien gouvernement vietnamien.


 


Au-delà du lien familial qui peut m’unir à mon oncle, je me suis intéressé à lui car je vois un homme exclu depuis quatre décennies de sa vie rêvée, qui cache ses possibles souffrances et désillusions en silence, derrière un enthousiasme en chaque chose. Son espace vital est réduit à la maison familiale, son quotidien est rythmé par les soins prodigués à ma grand-mère alitée, l’entretien du jardin sur la terrasse, et l’écoute assidue de la radio. Parfois la cigarette qu’il s’octroie sur le balcon vient couper ce quotidien.


 


Je me suis laissé à l’observer, discutant longuement avec lui, dans le but de montrer la solitude que peut connaître cet homme, mais surtout pour témoigner de sa dignité.


 


Le reportage est construit sous la forme de diptyques : la photographie de gauche désigne un détail de l’environnement de mon oncle. Image en couleur pour montrer ce quotidien immédiat, ces ustensiles qui peuvent nous être familiers, qui rattachent mon oncle à l’existence.


 


L’image de droite associée est en noir et blanc, montrant avec pudeur mon oncle dans ses postures et retranchements. Du noir et blanc pour se raccrocher inconsciemment à sa vision, à sa solitude. Son visage si possible effleuré pour le préserver.

 

À Chu Chi. "

 







 



 



 



 




toutes images © Lê Chau Cuong


Son travail m'a été recommandé par Criquette Rockwell, blonde amie dotée d'un goût certain comme peuvent en témoigner deux de ses récentes saillies à haute-voix en public : " Seul l'homme que j'aime labourera mon potager pour y planter sa graine fertile" et " Tel le scrotum d'un octogénaire, il s'est avachi" que je ne commenterai pas mais que je remercie par la même occasion.


Pour en voir un peu plus sur le travail de Lê Chau Cuong, hop, hop, hop; ni une, ni deux, c'est ici : link


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I
Je l'ai vu !!<br /> Allez-y, c'est super beau et super touchant, really !
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