... Si vous aviez décidé de partir en goguette dimanche, surtout prévoyez de ne pas revenir par la Porte de Saint-Cloud en fin de journée. Au Parc des Princes,
temple de béton d'une absolue beauté à la gloire du ballon rond, se tient l'Affiche de l'année, The Big Game, le Clasico, bref, la confrontation que cherche en premier lieu l'amateur de football
phocéen ou parisien en découvrant le calendrier des matchs de la nouvelle année. Paris Saint-Germain contre Olympique de Marseille, ce n'est pas seulement le second (c'est nous, ouaiiis) contre
le troisième (c'est eux, bouuh) au classement provisoire du championnat cette année, c'est la rencontre à ne pas manquer, à ne pas perdre. Ce dont je vous parle est forcément un peu abstrait si
vous n'aimez pas le football et plus encore, si vous n'êtes jamais allé au Parc des Princes. Vous connaissez le Stade de France ? Oui ? Oubliez, ça n'a rien absolument à voir. La chapelle
dyonisienne est moderne, fonctionnelle, intelligente. Mais on est à des kilomètres des joueurs, c'est froid, ça ne résonne pas, le son s'échappe par les côtés et l'ambiance est au mieux
bon enfant, au pire, bon enfant. Pour preuve, le public s'autorise à démarrer une ola à 0-0, ce qui est une hérésie totale et puis de toutes façons, j'ai toujours autre chose à faire que le
guignol en levant les bras après avoir reçu les effluves délicatement poivrées de mon voisin qui vient d'en faire de même, béat du spectacle dont il se croit un acteur essentiel.

Pas de ça au Parc. Le Parc des Princes, c'est le barouf monstrueux que font 45 000 personnes à l'unisson dans une cuvette bouillante qui retient chaque son, qui vibre littéralement sous vos
pieds de la passion de deux villes parfaitement antagonistes, autour d'un ridicule petit ballon rond qui ne finit presque jamais où l'on souhaiterait qu'il aille. Un PSG-OM au Parc, c'est une
véritable expérience physique et sensorielle dont je ne me lasse pas. Et je ne suis pas le seul. C'est d'abord une tension palpable à plusieurs kilomètres du stade. L'air lui-même semble
en effervescence, les regards sont différents, la concentration se lit sur les visages. PSG-OM, ce n'est pas du foot, c'est un match de boxe. Dans l'évident esprit de clocher qui régit toute
confrontation en sport collectif, je défends ma citadelle, tu attaques la mienne, c'est moi qu'est le plus fort, non, c'est moi et ainsi de suite, c'est l'Himalaya de l'année. Pourtant, même si
le Paris-Saint-Germain est mon équipe, que je prends mon pied depuis mes 8 ou 9 ans à aller dans ce stade où j'ai vécu des moments inoubliables (aah, PSG-Real, Galatasaray, Bucarest...), je ne
suis ni rasé du crâne, ni vidé du bulbe, ni rempli de bière, ni même anti-marseillais ou anti qui que ce soit d'ailleurs. J'adorais regarder jouer Chris Waddle et Abedi Pelé et quand l'OM fut
le premier club français à gagner une Coupe d'Europe, j'étais devant ma télé à les féliciter, même si je doute encore aujourd'hui de la "légalité" de leur victoire tant les Milanais semblaient
amorphes mais tout ceci est une autre histoire. Au moins, le PSG a assurément gagné la sienne sur le terrain, sur un coup franc extraterrestre de Bruno N'Gotty, Bruno, si tu me lis, j'en doute
mais on ne sait jamais, merci. C'était le 8 mai 1996, à Bruxelles au Stade du Roi Baudouin. J'y étais. Et j'ai hurlé comme rarement dans ma vie.

Certes, il y a les à-côtés d'un PSG-OM, ses 3000 officiers de l'ordre public sur les dents, un abruti de con de maire de Boulogne qui en profite pour se faire de la pub en déclarant vouloir
délocaliser le match au Stade de France, des abrutis de cons de marseillais, des abrutis de cons de parisiens qui aiment se jeter les uns sur les autres et se mettre la tronche à l'envers. Il y
a même des abrutis de cons tout courts. Tous ces gens-là, comme disait le grand Jacques, ne viennent en rien pour le football mais pour la tribune que leur offre un tel événement, trop contents
de pouvoir étaler leur bêtise / connerie / racisme / au grand jour en tapant / insultant / ratonnant / fracassant (rayez les mentions inutiles) tout ce qui peut passer pas trop loin de leurs
bras simiesques régis par d'inexistants occiputs atrophiés mono-neuronaux.

Car avant tout, un PSG-OM, ce sont des couleurs, des rythmes, des chants, des montées d'adrénaline, des poussées de craintes, des cris de joie, des pleurs pour d'autres. C'est toute la comédie
humaine en un peu plus de 90 minutes. C'est Sganarelle quand on se sent cocu après avoir perdu (c'est rare), c'est le Malade Imaginaire quand on se sent floué par l'issue du
spectacle (aaah, l'auto-crochetage et le penalty volé par Ravanelli), c'est parfois Tartuffe (aah les années Mozer, Di Meco face à Ricardo et Colleter), c'est aussi En attendant Godot
quand le spectacle est morne et se termine par un fade o-o, c'est Hamlet car être ou ne pas être victorieux dans ce match, c'est s'assurer le pardon populaire ou la miséricorde s'abattant sur
vous jusque à la fin de l'année. PSG-OM a probablement un peu de la saveur des Jeux du Cirque antique, il faut un pouce levé ou un pouce en bas. Ainsi va la nature humaine. Même si ce n'est
qu'un match de foot.

PSG-OM, ce sont des tifos géants (les
animations en tribune) préparés par les plus ardents des supporters, ce sont des chants à en perdre haleine pour ne surtout pas laisser l'adversaire s'exprimer, ce sont des sifflets d'une rare
intensité, une pression sans cesse portée à chaque passe, à chaque coup-franc, à chaque corner, à chaque toucher de balle, c'est un murmure qui grandit, devient avalanche et termine en orgasme
collectif quand le but est grandiose, ce sont toutes les forces que le stade en tant qu'entité propre, véritable 12 eme homme, peut mettre dans la bataille pour faire pencher la
balance en faveur du cœur rouge et bleu qui bat dans ses entrailles.

PSG-OM, au cas où vous ne l'auriez toujours pas compris, c'est donc dimanche à 21 heures au Parc des Princes. Ca fait 8 mois que je l'attends. Pour vous, je ne
peux pas me prononcer mais moi, c'est sûr, j'y serai avec mon frère, nos écharpes autour du cou, un peu bourrins, forcément subjectifs mais mus par une vraie passion et avides de
sensations.
Et comme disent de concert les tribunes Auteuil et
Boulogne, fidèles parmi les fidèles :
"Allez Paaaris,
allez Paaaris, où tu eeees, nous sommes là,
tu ne seras
jamais seul, car nous deux, c'est pour la vie."

... Et Gaby P-A Heinze-Gillet dit 3-1 pour Paris.
Toutes photos © PA Gillet
sauf celle de Gabriel Heinze © Christian Gavelle.