25 Octobre 2011
... Il ne sera pas question de moi aujourd'hui. J'ai beaucoup trop parlé de ma personne et de mon petit blog pour promouvoir Après la Pub aux Golden Blog Awards. Mais ça a payé puisque je suis toujours en course et dans le top 10 dans la catégorie Culture généraliste (voir ici link) et c'est un peu grâce à vous alors merci. Mais aujourd'hui, point de P-A, parlons un peu de R-E. Roger-Edgar Gillet n'est pas de ma famille et croyez bien que je le regrette amèrement. Je n'avais jamais entendu parler de Roger-Edgar Gillet jusqu'à ce doux jour de juin où, déambulant nonchalamment entre les étals d'une brocante boulonnaise, je fus frappé par un nom sur un livre qui dépassait parmi d'autres : Gillet. Comme c'est un peu mon nom aussi, normal que cela m'intriguât. Bref, je pris le livre, l'ouvris et je payai 10 euros à la manante qui ne savait pas ce qu'elle venait de perdre.
Roger-Edgar Gillet ne fut pas un des grands artistes majeurs français mais son art l'est. Né le 10 juin 1924 à Paris, Gillet suivit les cours de l'École Boulle et des Arts Déco. Avanat de devenir tour à tour architecte d'intérieur, décorateur de théâtre et professeur, Gillet se fit une place dans la jeune peinture française du milieu des années 50. Salon d'Octobre, Salon de Mai (à l'époque où ils étaient ausi importants que la FIAC de maintenant), Biennale de Paris, il obtient le prix Fénéon en 1954. Sa pâte généreuse, ses bruns puissants et sa maîtrise de la couleur et du motif font merveille. Comme de Staël, Gillet oscilla longtemps entre pure abstraction et figuration, même très libre. Reste la puissance de ses œuvres, son combat contre les cons de toutes sortes, son caractère explosif qui transpire de ses toiles. Et une expression pure, radicale et sublime qui n'appartient qu'à lui. Dommage, j'en aurai bien quelques uns chez moi.
Le monde de Gillet est opaque, composé de bigotes, de juges, de personnages hautains ou d'anonymes qu'il brosse de toute sa force pour en exclure les détails, pour ne garder que l'âme, aussi sombre soit-elle. Ce "personnage important" ci-dessous l'est au premier regard. Même sans visage, l'homme s'exprime, déblatère, persifle de son piédestal sur nous, simples mortels.
Chez Gillet, on lit d'abord le sujet. Puis on prend la peinture en pleine face. Son art éclabousse, embellit les plus sombre et salit jusqu'aux plus blancs que blancs. Papes, notables, inquisiteurs du dimanche comme du lundi, tout le monde y passe sans distinction. Ou plutôt si, avec toujours la même distinction.
Gillet eut droit à une rétrospective en 1987 au CNAP à Paris, fut l'un des acteurs majeurs d'Art Paris en 1994, ses œuvres sont au Musée d'Art Moderne à Paris, à Bruxelles, New York, Oslo, Sao Polo mais il aurait mérité mieux et plus au vu de son talent et de son œuvre. Une grande gueule. Mais discrète.
Roger-Edgar Gillet est décédé en 2004 à Saint-Suliac, son fief, entouré de ses amis pour un dernier gueuleton jusqu'à son dernier souffle. Loin des flonflons parisiens qu'il détestait mais en laissant malgré tout une trace indélébile sur l'art et ma rétine par la même occasion. Pour en voir plus sur Roger-Edgar Gillet, allez donc farfouiller son fonds ici : link