PAG, il a eu la riche idée de proposer cette carte blanche sur son blog le jour où j'avais le plus de boulot, c'est
malin, je veux dire du boulot pour moi, hein, pas du boulot-métro-dodo, du gros boulot, du vrai boulot, avec plein de mots et d'idées à remettre dans le bon sens, de celui qui vous fait des
noeuds au cerveau, du bon boulot, quoi, c'est malin de me faire ça le jour où tout s'accumule, le gros boulot, donc, le scooter qui déconne à plein tube, je voudrais vous y voir, vous, à 120 sur
l'autoroute avec le bloc-direction qui a un point de blocage, enfin c'est ce que dit mon garagiste, moi j'y connais rien, je sais seulement qu'il avait une sale gueule quand je lui ai dit "vous
croyez que je peux rentrer chez moi comme ça, c'est à trente bornes, vous croyez que c'est prudent", "tu parles qu'il a grogné, "oh ça va pas bloquer plus, non, c'est déjà bloqué, ahaha, enfin si
vous avez besoin de faire un écart à 120 sur l'autoroute avec une direction bloquée, c'est vous qui voyez, hein..."et c'est là que j'ai senti que les trois petits points qui flottaient au bout de
sa phrase, et bien des points comme ça, j'en avais jamais vu de plus flippants, j'ai respiré un bon coup, la paupière a sauté, là, juste sous l'oeil droit, et puis j'ai dit merde faut bien que je
rentre quand même, si je me conduis pas qui va me conduire, franchement, y'a pas marqué Paris Hilton et chauffeur de grande remise sur mon CV, j'ai donc ravalé ma prudence (mère de toutes les
sûretés), desséré le frein à main, serré les dents (et le reste par la même occasion) et je suis rentré comme ça, en faisant le guignol lobotomisé entre les bagnoles, avec ce putain de
bloc-direction bloqué qui me donnait l'impression de rejouer tous les trois cent mètres la roulette russe de "Voyage au bout de l'enfer" (The Deer Hunter pour les puristes de la V.O), et
croyez-moi trois cent mètres à diviser par trente bornes, ça en fait des portions de mâchoires serrées et des tartines d'adrénaline, tout ça avec les énervés du vendredi soir de chaque côté, les
kékés à peugeot "tunées" qui jouent à Jean-Claude Killy entre les voitures des autres batards, là, et puis la nuit aussi, la nuit noire mauve et jaune (sublime c'est vrai mais y'a un temps pour
tout, là, le goût du Beau et de la contemplation, il était un peu passé à l'as, il faut bien le dire), les rafales de vent plein ouest sur le pont de Gennevilliers (avec le fanion de vent à
l'horizontal), les virages dans le noir soudain (paf, caillassage de réverbères, c'est marrant le week-end, ça occupe), les nids de poule et les graviers, la forêt hostile les longs soirs
d'hiver, les tapis de feuilles mortes vicieux (et les sangliers qui ne le sont pas moins), tout ça pour arriver à 20h passées, pousser un ouf de soulagement, se jeter dans le canapé trente
secondes avant de rebondir vers le placard pour s'en jeter un derrière la cravate, avant de remonter quatre à quatre (bises aux enfants au passage, faut pas déconner non plus, et à madame
auss...ah madame est sortie, j'avais oublié, bon, à moi la soirée pizza avec les ados devant Mesrine, tiens, mais avant ça, fallait aller jeter un oeil sur mes mails, parce que le gros le bon le
beau boulot, ben il trépignait déjà en ligne de l'autre côté, c'est marrant quand même la technologie, on ne s'en étonne plus assez, tout ce qu'on peut faire avec un autre cinglé des idées et des
mots, à trente bornes de là, en train de m'envoyer des retours de mail comme un vieux flat-twin vous renvoie un retour de manivelle, tout ça m'indiquant (parce qu'à défaut de faire le café,
l'ordinateur donne l'heure aussi, non, si) qu'il était déjà 21heures, que j'avais oublié de faire chauffer la pizza et que Mesrine, avec son air louche et sa vue basse, il allait pas m'attendre
pour distribuer les mornifles et les rafales de pruneaux, donc un coup de frein sur le gros boulot, faut pas déconner non plus, et la culture merde, le cinémaaa, vivre bon sang, et la pizza à
surveiller pendant que Mesrine cassait du nez dans les bars, un truc à chopper le strabisme de Jean-Paul Sartre, Dieu m'en préserve, enfin un moment de calme, encore qu'avec Mesrine et ce film,
plutôt bien foutu, je trouve, et qui m'a bien choppé, une part de pizza dans les mandibules, les chaussettes sur un coin de canapé, quel bonheur quand même que la vie un vendredi soir avec un bon
film, le cinéma sera toujours ce moment de magie pour gosses émerveillées, mais j'avais beau me détendre, y avait quand même quelque chose qui me trottait dans un coin de la tête, c'était bien le
gros boulot, ça d'accord, il en restait toujours une trace qui se télescopait avec la vision de Mesrine et qui me faisait dire à voix haute dans mon for intérieur (j'ai un for très fort) mais
comment y-zont fait là pour qui y est une telle montée dramatique, bref, j'en étais à ces considérations personnelles quand j'a sauté hors du canapé en me disant "Merde, 23h 15!...Plus que 45
minutes avant la deadline Paggieste! Alors j'ai improvisé ce texte sans m'arrêter en jetant un oeil sur l'horloge qui avançait dangereusement vers le 00:00, chiffres fatidiques qui transforment
inexorablement en citrouille, ce qui n'est pas très pratique pour rendre hommage au maître de ces lieux, et comment lui dire maintenant que l'échéance approche combien on apprécie ses initiatives
blogguesques et artistiques et combien ça fout la pêche de voir que y'en qui s'intéressent qui ont un don pour la curiosité, mère de toutes les créativités, et que ce PAG, le vrai l'unique, LE
PAG, était fait de cette eau et que pour ça, et comme il ne me reste plus que 3 minutes et que j'ai pas l'habitude d'improviser comme ça des solos de mots, ho oui d'habitude je suis beaucoup plus
lent, ça peut me prendre deux ans pour écrire un bouquin, c'est vous dire, et bien je tenais à lui dire, à ce PAG, combien j'appréciais ses activités multi-casquettes comme si ce mec avec
plusieurs têtes plusieurs mains et plein de doigts (et pour le reste je préfère ne pas trop m'avancer) et combien je trouve ça extraordinairement jouissif et jubilatoire....(top)
CITROUILLE.