23 Octobre 2017
... Il attendait depuis soixante-quinze ans, tranquillement, prenant un peu la poussière dans un coin d'une pièce de l'hôtel de ville de Madison, New Jersey. Plus personne ne prêtait attention à ce nez aquilin, ce col militaire montant et cette mèche rebelle (car les mèches sont toujours rebelles). C'était un élément du décor comme un autre, posé sur une colonne dorée trop clinquante pour être honnête, trop large et parfaitement inadaptée à une telle œuvre. Mallory Mortillaro, fraîchement embauchée comme archiviste par la fondation Hartley (pas Cœur à vif) Dodge (pas Viper) a pour première mission de répertorier tous les biens de la mairie, sise dans un bâtiment de la dite fondation, c'est les Ricains, c'est comme ça, cherchez pas à comprendre.
Elle s'avance vers lui, pour retourne délicatement le buste et découvre une signature. Stupeur tremblement et tout le tralala, elle repose délicatement le buste comme si c'était un château de cartes de cristal. C'est pas le moment de déconner, Mallory, tout doux. Elle fonce voir sa direction, leur montre. Ils tombent des nues. Problème, personne à la mairie ne sait d'où vient ce buste.
Ils se renseignent un peu et font appel à un ancien membre du musée Rodin à Paris, Jérôme Le Blay, qui prend l'avion puis la route de Madison comme Clint avant lui. Très vite, il authentifie la statue. Pas Clint, Jérôme Le Blay. Suivez un peu. Ce buste de Napoléon, commandé en 1904 et acheté en 1908 par un industriel américain, avait passé plusieurs années au Metropolitan Museum of Art. Racheté en 1933 par Ethel Geraldine Rockefeller Dodge lors d'une vente aux enchères, il termina sa course en 1942 dans le bâtiment de la mairie où il végétait depuis. Il sera prêté au musée d'art de Philadelphie, pour le centenaire de la mort de Rodin, pile le mois prochain. Parfait timing, Auguste.