29 Janvier 2018
... (Jingle) Ci-né-ma, Ciné-ma, badibaboudoum tchik tcha... au cinéma, je suis très difficile. Disons que je suis exigeant et je compte sur les doigts des deux mains les films qui m'ont vraiment marqué, qui m'ont entrainé dans leur sillon. Ce moment de magie où tu n'es plus au cinéma mais dans le film, dans la peau de chaque personnage, dans chaque respiration. Si je repense à ces 15 dernières années, je sortirais parmi mes chef-d'œuvres personnels "Le facteur" de Michael Radford avec Philippe Noiret et Massimo Troisi, "La ligne rouge" de Terrence Malick avec tout ce qu'Hollywood comporte de bons acteurs, "Trois enterrements" de et avec Tommy Lee Jones, "Youth" de Paolo Sorrentino avec Harvey Keitel et Michael Caine et depuis hier, "Three billboards" de Martin McDonagh avec Frances McDormand, Woody McHarrelson, Sam McRockwell et Peter McDinklage.
Hier soir, j'ai pris une claque. Pas une claquounette, une claque façon Lino Ventura avec la main bien à plat et la déflagration qui suit. Une claque qui te retourne, t'abasourdit, une claque monumentale. Je n'avais pas vu depuis belle lurette une direction d'acteurs aussi fine, aussi délicate, aussi précise à part dans "Plus belle la vie" ou "Léo Mattei", la série où Jean-Luc Reichmann campe un flic à une seule intonation pire qu'Eric Roberts et Keanu Reeves réunis.
"Three billboards" est un chef-d'œuvre de maîtrise, de talents cumulés. D'abord une histoire aussi simple que géniale (une mère de famille dont la fille a été violée et tuée loue trois panneaux à l'entrée de sa ville pour interpeller le shérif, non, vous n'en saurez pas plus) car c'est pas mal d'avoir un scénario pour faire un bon film. Une évidence qu'il faut ici rappeler vu le nombre de films indigents qui remplacent l'histoire par des artifices. Ensuite, des acteurs et surtout un réalisateur qui est aussi metteur en scène, dramaturge et auteur, qui vous embarquent avec vous dès le premier regard. C'est le cas de Frances McDormand, vue dans "Fargo" qui est exceptionnelle. Plus que ça, même. En une minute, nous devenons tous Mildred Hayes, habitant Ebbings, fin fond du Missouri.
Enfin, un esprit, une finesse inexplicable, une véracité de tous les instants, bref tout le travail de l'ombre d'une équipe de film (costumes, coupes de cheveux, détails de vie, casting, lumière) qui fait qu'un film vous emporte avec lui, vous bringuebale, vous intègre dans sa propre histoire. C'est ça, pour moi, le cinéma. Quand il n'y a plus d'acteurs et de spectateurs, juste un tout, une histoire commune que l'on vit et ressent fusionnellement, passionnément. "La beauté est dans les yeux de celui qui regarde", disait Oscar Wilde. Sacré Oscar. Sacrée Frances.