11 Février 2013
... Si Henri IV le pouvait encore, il se retournerait dans sa tombe. Mais il ne peut pas. D'une, parce que sa tombe fut profanée donc c'est compliqué de s'y retourner, de deux, étant mort et étêté, il n'est plus bon à faire grand-chose. Quand en 1793, poussés par le vent de la révolte, les révolutionnaires entrent dans la basilique Saint-Denis, ils n'ont qu'une envie : en découdre avec la royauté et ses symboles (et récupérer les métaux des cercueils). La crypte est mise à sac, le cercueil d'Henri IV est ouvert et son corps présenté aux Che Gevara de l'époque. Certains lui claquent le baigneur, d'autres lui volent quelques poils de barbe avant qu'il ne soit jeté dans une fosse commune à quelques mètres de là. Puis décapité. Une "affaire" qui ne fut découverte qu'en janvier 1817, quand le roi Louis XVIII ordonna de faire ouvrir les fosses communes de Saint-Denis pour y retrouver la dépouille du roi préféré des français (la poule au pot, l'édit de Nantes et tout ça).
102 ans plus tard, Joseph-Émile Bourdais, antiquaire et photographe, rachète pour 3 francs les biens d'Emma Camille Nallet Poussin, peintre à Montmartre, vendus aux enchères à Drouot 10 ans après sa mort. Joseph-Emile Bourdais, bien que quasiment analphabète est un passionné d'Henri IV. Parmi le lot des affaires en vente, une tête embaumée. Bourdais est certain de reconnaître la tête manquante du roi. Il rafle le tout et n'aura de cesse jusqu'à sa mort de prouver que la tête momifiée est bien celle d'Henri IV. Mais personne ne le croit. Dans les années 30, il exhibe la tête pour une poignée de pièces mais ne recueille qu'incrédulité et rires. En 1946, il veut donner la tête momifiée au Louvre qui la refuse. Puis il meurt. Sa sœur en hérite, puis décède à son tour.
En 2008, Stéphane Gabet, journaliste et réalisateur, prépare une émission sur Henri IV. Il prend rendez-vous avec des spécialistes du roi et rencontre un académicien, Jean-Pierre Babelon, qui possède une lettre datée de 2006 d'un homme nommé Jacques Bellanger disant s'intéresser à la tête perdue. Rapidement, Stéphane Gabet contacte Jacques Bellanger qui lui avoue être en possession d'une tête momifiée rachetée en 1953 à une certaine Mme Gaillard. La sœur du brocanteur.
Au fond du grenier, dans une vieille armoire se trouve une caisse. Jacques Bellanger ouvre la caisse. Apparaît à la lumière une tête momifée, très bien conservée, enrobée dans une vieille serviette.
La tête est confiée à un laboratoire de l'Assistance Publique et des Hôpitaux de Paris. Le nez est cassé, le lobe de l'oreille droite percé. S'il existe des connexions entre la tête et ce que l'on sait d'Henri IV, rien ne permet encore d'affirmer qu'elle est bien celle du roi. La tête poursuit son chemin et passe un scanner à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Bon, pas toute seule, hein. Elle est un peu aidée.
Voyage suivant : le Musée de l'histoire de la médecine, à l'université Paris-Descartes. Les chercheurs distinguent une lésion osseuse au niveau de la lèvre, compatible avec la marque qu'aurait pu laisser une blessure au couteau. Comme celle perpétrée par Jean Châtel, en 1594 sur Henri IV. Profitant d'une audience royale chez Gabrielle d'Estrée, il tente d'assassiner le roi. Comme quoi, Ravaillac n'était qu'un sale copieur. Une première recherche ADN est tentée au CHU de Garches. Des tissus sont prélevés et comparés à des échantillons de fragments corporels supposés du roi empruntés au Musée-Hôtel Bertrand à Châteauroux, où trois poils de barbe sont recueillis ainsi qu'au Musée Tavet-Delacour, à Pontoise, où une fraction de pouce est embarquée. Il était vraiment en kit l'Henri IV. Puis Jean-Noël Vignal, anthropologue spécialiste des reconstitutions faciales est consulté. Quand il termine son portrait-robot, Vignal annonce : «Si ce n'est pas Henri IV, c'est son frère jumeau». Mais malheureusement, l'ADN est inexploitable du fait de l'exposition prolongée au plomb du cercueuil. Argh, impasse.
Mais en 2011, des résidus appartenant au sang attrribué à Louis XVI sont découverts en Espagne. Les résultats sont compatibles avec une relation paternelle directe sur sept générations. Une reconstitution faciale est organisée (voir ci-dessus), elle est criante de vérité tant elle s'approche de l'iconographie connue du roi. Contre vents et marées, Joseph-Émile Bourdais, le brocanteur, avait raison.
Pour en savoir plus, achetez dès le 15 février "Henri IV, l'énigme du roi sans tête", par Stéphane Gabert et Philippe Charlier aux éditions Vuibert.