À qui est ce petit chien dans la piscine ?

Vous l'avez remarqué, ce blog était fermé depuis quelque temps pour une raison tout à fait acceptable : vacaaaaaaaaaaaances. Et j'ai eu la chance de pouvoir me rendre sur une sublime île de l'Océan Indien, la magnifique, luxuriante et cosmopolite Île Maurice. Le kif. Le pied. Le bol. Le rêve. À Maurice, tout le monde cohabite depuis des années et le métissage historique entre indiens, créoles, blancs et chinois est une preuve à lui seul de la débilité des programmes des extrêmes. Comme dit Voulzy, "Le soleil donne la même couleurs aux gens, gentiment" et tout se passe dans le meilleur des mondes. Il y a des tamouls, des hindous, des musulmans, des chrétiens, des bouddhistes et des athées et personne ne fait chier personne, sauf quand ils passent à plus de trois grammes de rhum dans le sang.

Comme dans la famille, on n'est pas trop hôtel, buffet continental et séance de toast au soleil, nous avions loué une jolie maison sur la plage de Poste Lafayette au nord de l'île, la partie la plus sauvage et préservée de l'appétit des grandes multinationales hôtelières. De plus, c'est finalement moins cher que l'hôtel et personne ne vous fait chier avec des séances d'aquagym dans la piscine sur du Black M ou autre nazeries à rimes pauvres à plus de 80 BPM.

Face à nous, lagon turquoise, ciel de cobalt, plage d'ivoire et superbes roches noires volcaniques. Bref, le rêve. Dès notre arrivée, excités comme des puces, nous faisons le tour du propriétaire à coup de "Ohhh" et de "Aaah" et de "Sa mère la pute, ça chie la classe ici". En profitant pour la première fois de la terrasse, ma douce et tendre avise les canapés extérieurs et dit "Tiens, il y a des poils de chien". Elle a un œil de lynx pour ça et si elle n'est pas blonde, elle a tout de Brigitte Bardot, sauf le mari FN et les robes en petits carreaux Cochonou. Et avec Ekta, notre bull-terrier, les poils sur le canapé, on connaît bien.

Mais bon, on vient d'arriver au paradis, alors trois poils sur un canapé, on passe vite à autre chose. Comme aller se tremper les pieds dans un mer à 28° à 50m de chez soi, rhaaa, c'est bon, excusez-moi, je viens d'avoir un orgasme podologique rétroactif rien que d'y repenser. Et pour parfaire l'ambiance, un arc-en-ciel nous salue au gré d'un grain aussi fugace qu'une étincelle d'intelligence dans l'œil de Nadine Morano.

Soudain, par la plage, une forme apparaît. Un chien. Haut sur pattes, pas bien large, tête basse et méfiante, il dodeline dans notre direction, soulevant de délicats nuages de sable à chaque pas. Le chien s'approche, tourne autour de nous, nous hume tant qu'il peut. Une jauge distante. Nous lui tendons la main. Il s'approche encore. Sans faire preuve d'une grande imagination, nous le saluons d'un "Salut Maurice !". Naturellement. Le chien s'approche encore plus et nous découvrons vite que ce n'est pas un Maurice mais plutôt une Mauricette.

Quand nous retournons à notre chez-nous de rêve, Mauricette nous suit. Elle s'approche de la piscine et lappe l'eau chlorée. Nous lui apportons évidemment un bol d'eau fraîche. Ses côtes sont apparentes, déchirent, tendent sa peau tant elle n'a rien sur les os. Elle a dû survivre quelque temps avec sa mère, en être séparé d'une manière ou d'une autre (230 000 chiens errants à Maurice et une politique gouvernementale musclée avec rafles et éradication) et a appris, jour après jour, à se démerder, à subsister, à trouver ce qu'il faut. Mauricette accepte l'eau fraîche avec plaisir. Nous la regardons, gardant un peu nos distances. Elle se pose sur la terrasse en bois, nous regarde, baille et se couche sur le côté. 

Tout juste arrivés, nous n'avons qu'un morceau de pain frais comme possible pitance. Mauricette s'approche, hoche la tête d'un côté, intéressée. On lui tend le pain. Avec une infinie délicatesse, elle prend l'offrande inattendue. Puis une autre. Et encore une.

Pendant toute la semaine, Mauricette ne nous a pas quittée. Certes, les croquettes achetées au Super U du coin y firent pour beaucoup mais nonobstant ces deux gros repas par jour plus les restes de nos délicieuses agapes, Mauricette semblait avoir autant besoin d'affection que de nourriture terrestre. Dès le deuxième jour, elle venait se coucher près de nous comme si elle nous avait connu depuis toujours. Elle se mit à jouer, à remuer encore timidement la queue et à s'abandonner dans la confiance qui fait la relation unique entre un chien et ses maîtres. Et quand on quittait notre hâvre paradisiaque pour aller nous balader, elle se posait, de guerre lasse, dans son canapé favori et nous attendait patiemment jusqu'à notre retour. Chaque jour, elle restait un peu plus avec nous, escapades solitaires moins nombreuses, chaque soir, elle était là, se couchait, demandait des attentions, une caresse, un lien, des preuves d'amour dont elle avait été privée trop souvent, trop longtemps. Au réveil, elle était là, visiblement heureuse et nous saluait encore maladroitement.

C'eut été impossible de repartir et laisser Mauricette à son sort tant la connexion s'était faite naturellement. Alors nous avons cherché des solutions grâce à un excellent wifi et nous sommes vite tombé sur le site de Paws Mauritius (merci internet, je t'aime), super association qui tente de gérer le problème des chiens et chats errants autrement qu'en les gazant ou en les shootant en voiture. Paws prône la stérilisation, gratuite pour les Mauritiens et les Mauritiennes qui veulent y emmener leurs animaux de compagnie. Leur site est ici : pawsmauritius.org. Mauricette a été prise en main par la super équipe de Paws et a été pucée, vaccinée et stérilisée car c'est obligatoire pour quitter l'île. Elle devrait rejoindre Paris vers la fin du mois si tout va bien.

Par son charme, son caractère et sa douceur, Mauricette méritait vraiment une seconde chance car son avenir s'écrivait en pointillés. Les chiennes font portée sur portée et sont évidemment les cibles privilégiées des actions du gouvernement. Bref, une durée de vie très limitée si nous l'avions laissée à son sort. C'est pourquoi elle va venir découvrir de nouvelles latitudes où il fait moins chaud, sauf dans le cœur de ses futurs propriétaires que nous sélectionnerons drastiquement avec enquête de moralité, géolocalisation du lieu de vie (pas question qu'elle vive toute la journée seule dans un appartement ou à l'inverse, au bout d'une chaine), QCM de 143 pages, profil psychologique et test d'aptitude à l'empathie. Un processus à l'issue duquel elle aura enfin la vie qu'elle mérite, la Mauricette. Et si on ne sent pas les bons candidats, au pire, Ekta s'habituera à partager son canapé.

Pour tout savoir sur Mauricette, son Tumblr rien qu'à elle est ici mauricette.tumblr.com et sera régulièrement actualisé avec les nouvelles fraîches de son périple de Maurice à Paris. Suivez Mauricette, elle ira loin dans la vie.