19 Décembre 2022
Autant vous le dire tout de suite, je suis devenu incollable sur la construction des Pyramides, les trésors perdus des Mayas, des Templiers et des Nazis et sur les moyens de réparer une bougie défectueuse avec une petite cuillère, un bout de chewing-gum et une vieille capote anglaise grâce aux Routiers de l’extrême.
J’ai aussi écumé la vie des Kennedy, de Nikola Tesla, de Tina Turner, de Dean Martin, de Jack London, de Jacques-Yves Cousteau et de tous les serial-killers que la Terre ait porté. Bref, je me suis occupé pendant qu’au Qatar, on jouait au football.
Je ne tire aucune fierté de ce boycott. Ni fierté, ni joie, ni peine. Je suis en accord avec moi-même, avec ce que j’avais décidé et qui, pour l’amoureux de football que je suis depuis des décennies, n’était pas chose facile.
J’ai été élevé à la Coupe du monde. J’avais 8 ans et je découvrais la flamboyance de Mario Kempes, cheveux au vent, j’avais 12 ans et je pleurais Battiston, Séville 82 bien sûr, plaie jamais refermée, j’avais 16 ans et je m’enflammais devant France-Brésil 86, la joie de Fernandez poings serrés.
Tous ces moments m’ont construit durablement car ils étaient le fruit d’une transmission familiale. Tous les quatre étés, on se retrouvait sous les mêmes couleurs, on espérait, on vibrait. Cette passation de passion, c’est aussi ça que cette Coupe du monde a mis au rebut.
Faire le choix de masquer entièrement une Coupe du monde de ma vie était donc loin d’être anodin. Mais pas de méprise, ce n’était pas un sacrifice. Le terme serait indigne au vu des circonstances, étant donné ceux consentis, bien malgré eux, par des familles endeuillées qu’un cercueil de mauvais pin ne pourra jamais consoler.
Aucun sacrifice de ma part à manquer cette dramaturgie pourtant sublime que peut être un match de football. Celui d’hier soir semble avoir respecté la tradition et je n’en ai rien vu, si ce n’est le score final.
Aucun sacrifice à rater ce qui fait le sel du football, ces enchainements magiques, ces moments de grâce collective quand le bilan, humain, écologique, moral n’est pas acceptable. De mon point de vue.
Aucun regret non plus mais un espoir déçu. Celui, probablement un peu soupe au lait, que cette équipe de France n’ait pas fait UN geste pour s’affirmer en tant que représentante d’un pays où sur chaque fronton, trois mots nous guident et nous jugent par la même occasion : Liberté, égalité, fraternité.
J’y ai cru. Jusqu’au bout. Et si par l’entremise des réseaux sociaux, j’en avais eu vent, j’aurais probablement rompu ce boycott et je les aurais soutenus. Immédiatement. Intensément. Mais rien n’est arrivé.
Comme l’a si bien résumé Nicolas Kssis-Martov dans un très bon article de So Foot : « Je n’ai jamais décidé de ne pas regarder cette compétition. Je n’y arrive tout simplement pas. »