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SAS À LINTAS (suite)


Résumé des épisodes précédents : Malko fait un shampoing à Lynda.




9. Benjamin

De son côté Rocco ruminait sa vengeance. Il pensait tenir Malko, mais son plan avait été déjoué par ce crétin de barman. Le diable l'emporte celui-là. Ce balourd s'était jeté sous l'unique balle d'argent qu'il réservait à son ennemi juré. À plusieurs reprises déjà, Malko lui avait échappé et toujours de façon stupide, mais il s'était juré de lui faire la peau et il ne comptait pas en rester là. Bien sûr son plan au Copacabana avait échoué comme celui du Melchior à Hanoi ou encore au Ibis de Burne sous noix, mais qu'importe. Le temps ne faisait que donner du piment à sa vengeance. C'était il y a plus de vingt ans en 1976 dans le port de New York, au bout des docks...

L'échange de marchandise était merveilleusement rodé, quand surgit d'on ne sait où cet homme qu'à l'époque, il ne connaissait pas. Tout alla très vite, trop vite. Un bref échange de coup de feu juste après les sommations d'usage, puis le calme, ce calme que tout le monde redoute, ce silence qui crie l'horreur. Lui, Rocco s'enfuyant sur son monstre des mers, avec dans les bras, son frère, son unique frère souriant. La chemise blanche du jeune homme changea brusquement de couleur, elle devint pourpre et poisseuse, cette couleur que seuls les vivants comprennent, que les futurs morts ne voient pas. Il était effectivement en train de sourire, un éclair de joie passa dans ses yeux quand il demanda à son frère de s'approcher. Celui-ci avait compris mais il ne pouvait laisser transparaître aucune émotion. Le jeune Ricardo lui susurra distinctement ces quelques mots qui le hantent encore : " Il faudra me venger". Depuis ce jour, il n'est pas un matin sans que Rocco se répète cette phrase qui sonne comme une sentence. Ce matin encore, en enfilant son Gucci sur mesure, il se répéta : " Il faudra me venger" et se regarda dans le miroir, les mâchoires serrées et les yeux se remplissant de larmes de haine. Malko devait payer, et ce seul but suffirait à remplir sa vie entière s'il le fallait. Et un jour, quelque part il vengerait son frère.


En attendant son plan n'avait pas totalement échoué, il y avait la somptueuse Lynda. Jusqu'à présent, Malko la prenait pour une vulgaire fille de millionnaire désœuvrée qui ne pensait qu'à se faire sauter par n'importe quel quidam. Certes, elle était exactement comme ça mais et alors, tout le monde ne pouvait pas être moche et frigide comme la pauvre Sandy, la sœur de Lynda... Rocco jeta un dernier coup d'œil à sa Seïko en acier brossé avec chronomètre et petite lumière verte en haut dans le coin à droite. Il fallait dormir, la nuit allait être sombre alors que le lendemain, le jour allait être Lumineux... Il se retourna d'une mâle attitude avant d'éteindre sa lampe de chevet, le petit doigt en l'air...

 

 10. P.A


Malko arriva au Debrecen sur les chapeaux de roues, de peur que le goulasch soit froid. Il y'a des choses auxquelles Malko n'avait jamais su résister : un bon goulasch, un 95 C et un concert de Philippe Lavil, parce que de temps à autre, lui aussi tout Malko qu'il soit, il aimait taper sur des bambous avec le sien à lui.


Il poussa la porte du Debrecen, non sans une certaine appréhension légitime. Personne ne sait ce que peut réserver un goulasch pas frais. Du regard, il balaya la salle du restaurant car avec l'oreille, c'était moins facile. Derrière le bar décati en bois de contreplaqué, un arbre très rare, Imre trônait tel César dans l'arène de Saba. Malko s'approcha, le pas velouté et l'estomac en émoi. Il regarda Imre droit dans les yeux et commanda son goulasch d'une voix de stentor. Quand il s'était vidé les couilles, Malko parlait toujours plus bas. Imre s'approcha de Malko, une assiette de goulasch à la main et vint s'asseoir à sa table, enfin, sur la chaise à côté. Je sais où se cache Npenpe de Clerk - lança Imre mais assez près pour que Malko l'attrape au vol. Et où donc c'est-y qu'il se cache ? - renvoya Malko dont la connaissance parfaite du Hongrois stupéfia Imre qui en tomba à la renverse mais aussi sur le cul. Il est à Chop Suey, une bourgade à deux pas d'ici. Malko regarda les pieds du Hongrois. Il chaussait du 52. Et où précisément à Chop Suey ? C'est simple, tu prends le 42, tu descends à Odéon et c'est dans la rue de ...

Une détonation éclata. Imre s'effondra, un anus tout neuf sur le front. Les vieux réflexes prirent le dessus et Malko jeta la table à terre pour se protéger. Heureusement, c'était une table Habitat. C'est fou ce qu'il pouvait y avoir comme tables Habitat à Pnom Pehn, à croire que la production avait été délocalisée ici. De l'autre côté de la rue, une voiture partit en trombe, manquant d'écraser Elko qui sortait de chez la jeune Comorienne à qui il venait de beurrer le mille-feuille avec conscience (une amie) et sa bite.

Malko se jeta hors du restaurant et tenta de viser la voiture qui déjà, tournait à droite non sans avoir mis son clignotant pour le signaler. On a beau être des gnakoués, on n'est pas des sauvages quand même. Tout haut, Malko pensa. "Putaing, merde, couille de bouc putréfié. Avec tout ça, j'ai tout sali mon pantalon Kenzo avec le goulasch. Et je l'ai même pas goûté". Dur, dur, que la vie d'agent secret autrichien était dure...

 

11. Jérôme.
 

De sa puissante espadrille droite, Elko écrasa la pédale d’accélérateur, laquelle émit un gémissement de douleur que nul n’entendit, tout couvert qu’il était par le feulement rauque du 12 cylindres en V suralimenté par un indice d’octane de la putain de sa race. Malko encaissa sans broncher les 18 G si généreusement infligés par son compagnon (pendant quelques interminables secondes, il sentît même son membre dépasser le poids du Sergent Garcia, les vêtements mouillés). La voiture traversa la rue à la vitesse d’un éclair à la bourre. La dépression momentanée qu’elle laissait dans son sillage aspirait tout ce qui avait le malheur de se trouver dans le voisinage : pousse pousses vides, pousse pousses pleins, Fiat 501 (une pâle copie faite en Asie), chien avec ou sans chienne au bout, putes à l’arrêt ou au travail… La voiture gagnait imperceptiblement du terrain sur celle de devant qui, pour son malheur, s’était chopé tous les feux rouges l’un derrière l’autre. ‘’On va la rattraper" dit Elko. "Non" répliqua Malko, "c’est pas très fair-play !’’ Il sauta de la voiture et atterrit sur la trottinette d’un Bo-doï. D’un coup de genou, Malko le pria poliment de continuer la route à pied. Malko, le pied fumant, patinait dans la nuit et, pour la première fois de sa vie, l’aiguille du compteur de vitesse atteignit des régions inexplorées du cadran. Malko qui s’ennuyait un peu, mit l’autoradio de la trottinette sur ‘’on’’.

Par chance, c’était Falco, l’illustre chanteur autrichien. La mélodie envoya sur le champ plein d’images dans la tête de Malko, notamment cet épisode précis lors de son enfance au château de Lintz : c’était quelques années après la guerre, le Rideau de Fer qui séparait le Bloc Rouge du Bloc Pas Rouge passait justement dans le jardin derrière le château et, chaque fois qu’il s’en allait pisser dans la cabane au fond du jardin, le jeune Malko était obligé de traverser la frontière en présentant son passeport. De là sans doute était venu sa vocation… Mais passons.

Malko arriva à la hauteur de la voiture des méchants (en même temps qu’Elko, d’ailleurs). Il retira le lacet du pied qui ne patinait pas (sinon, c’est difficile) et, d’un joli nœud plat (Malko avait passé quelque temps dans la Marine Autrichienne) il l’attacha au pot d’échappement. Alors, il pila brusquement ce qui eut pour effet d’arracher le pot, le réservoir d’essence et l’ensemble du moteur de la voiture. Privé de ses viscères mécaniques, le véhicule continua sur quelques mètres et s’immobilisa devant un vendeur de soupe. Malko descendit de sa trottinette et s’approcha de la portière côté conducteur. Il frappa à la vitre avec toute la mâle assurance d’un flic qui vient d’arrêter un chauffard.

 

 12. Nicolas.
 

Malko attendit patiemment que le conducteur daigne bien baisser la vitre teintée de son coupé Mercedes, préparant mentalement quelques traits d’esprit dont lui seul avait le secret. Surprendre, toujours surprendre, tel était son credo, à tel point qu’il était devenu maître en matière de calembours. N’était-ce pas lui qui, lors du baroud sanglant dans le désert du Roub Al Khali avait dit, voyant Elko en slip couvrir d’une bâche des pièces d’artillerie lourde : “ Tiens y a un mec en slip qui met une capote ”? Une foule de boutades se bousculaient donc dans son cerveau. Il hésitait encore entre le classique “Papiers s’il vous plaît ” prononcé sur un ton désopilant et le désopilant “Veuillez souffler dans le ballon” prononcé sur un ton classique ; ou inversement, tant le champ des possibles s’avérait ouvert en termes d’humour, de parti pris d’interprétations et de variations autour d’un même thème. Il n’eut pas le temps d’arrêter son choix qu’une voix d’outre-tombe sortit de la voiture. "Vous me passerez un petit coup sur le pare-brise... et, pendant que vous y êtes, vérifiez les niveaux d’huile, le moteur a chauffé ces derniers temps". La vitre se referma aussitôt, laissant Malko pantois et dépourvu de son légendaire sens de la répartie.

Jamais depuis l’hiver 72 à Philadelphie et le retentissant “ Malko, poils au dos ” de Kevin la vermine, il n’avait été à ce point pris de court. Son sang ne fit que deux, trois tours (il n’en aurait fait qu’un en d’autres circonstances, c’est vous dire s’il était démuni et si sa capacité de réaction était amoindrie), une multitude de sentiments tous aussi contradictoires les uns que les autres se heurtant violemment contre les parois de son crâne : «  Je suis humilié », « Je suis humilié », «  Je suis humilié », « je suis humilié », « Je suis humilié », « Je suis humilié », « Je suis humilié ».  À l’exception de sa fonction copié collé, son cerveau tournait dans le vide, imperturbable, traçant un sillage cyclique qui aurait fait mourir de jalousie l’horloge biologique des soubrettes du Château de Lintz**** (**** ellipse dans le récit : il serait fastidieux de narrer avec quelle dextérité un neurone libre ordonna à son bras droit de se mettre en relation avec sa main droite pour qu’à son tour, elle contacte l’index afin qu’il exécute une légère pression sur la détente de son 357 Magnum. Note de l’auteur) ****Reprise du récit. Veuillez nous excuser pour cette interruption momentanée. Quatre détonations se firent entendre, le tout parsemé de bris de verre et d’un non moins perceptible “ aïe ” lâché dans un râle. La cervelle du conducteur fut projetée sur la place du mort. -Ben alors, comique, on t’entend plus... proféra Malko plein de hargne. On fait moins le marrant, on dirait... Il se tut un instant, observant le tableau de bord.

 
13. Benjamin.

C'était un vrai carnage, Malko n'avait jusqu'à présent jamais été témoin d'une boucherie pareille. Un tableau de bord en acajou, quel dommage. Les cercles si fins qui entouraient le cadran du compteur de vitesse étaient tout salopés de vermillon sang (ce qui tombait bien pour du sang). Et l'acajou rouge, c'était plus que Malko ne pouvait en supporter. Depuis des années le bois rouge le rendait nerveux, comme une apnée incontrôlable, le prenait à chaque fois. Le cerisier, le merisier, ces bois-là le rendaient fou.

Après un temps qu’il pensa incommensurablement long, il se retourna aussi rapidement qu’il le put afin de déterminer si ce n’est l’origine (une arme à feu, il n'était pas complètement con quand même) en tout cas l’endroit d’où avait été tiré le multi coup de feu. Il ne se retourna jamais aussi vite qu’il le fit à cet instant et s’aperçut, mais un peu tard, que derrière lui se trouvait un poteau électrique de la compagnie EDF locale. La dernière chose qu’il entendit fut une sorte de grand “ PING ”. Tout était flou, les sons également. Des taches de lumière se déplaçaient autour de lui. Malko était dans le pâté, un pâté impérial. Impériale également la douleur qui lui enserrait le petit cervelet. L’expérience et les années lui avaient appris à faire la différence entre une douleur qui fait mal et une douleur qui fait mal aussi mais plus que l’autre quand l’autre veut bien se taire. Et ça on peut dire que ça ne servait à rien. Parce que, comme le disait Elko, “ Vroum vroum, quand toi bobo tête, toi près tête d’Elko ”. Pourquoi dans ces moments de solitude extrême pensait-il toujours à ce bon vieux Elko, il n’avait pourtant jamais, ne serait-ce qu’imaginer lui passer sa grosse main poilue (celle de la Seiko) sous le tissu distendu de son caleçon Calvin Klein, celui à grosse ceinture abdominale.

Et pourtant il était beau Elko dans son CK, un vrai dieu grec, la fesse dure, le sous-vêtement tendu par la virilité non travaillée au Pénis Enlarger de chez Moulinex. Il n’y avait que deux explications : soit il était pédé, mais rien que le mot lui faisait penser à sa mère qui lui demandait de lui retirer son tampax, soit il ne l’était pas et c’était pas mieux, il se souvenait de Monique. Et Monique, bref, il était là dans cette pièce qu’il distinguait maintenant de mieux en mieux, et lui, Malko, se sentit à la vue de la splendide Lynda, comme Pierre Richard dans un nanar des années 70 : con et frisé…

 

 14. Nicolas.

 

-Linda, ma Linda ! glissa Malko dans un souffle nauséeux (cela faisait bien 48 heures qu’il avait perdu connaissance et dieu sait si les bactéries se développent vite dans la bouche d’un agent secret d’origine autrichienne). Oui, toi, ma Linda continua Malko alors que le magnétophone Philips jouait un splendide air de valse lente interprétée par André Rieux.

Écoute, ma Linda, c’est notre chanson. Tu te souviens ? Notre rencontre ? Le lupanar de Yaoundé? Quand à ma vue, tu apparaissas... heu... appar... heu... quand je t’ai vu, quoi ! Même que t’étais rousse à l’époque. Depuis, tu es un peu le soleil de mes nuits agitées, la nuit quand il fait noir et qu’il n’y a plus de lumière puisque c’est la nuit. Quand tu souris, on voit tes dents. Quand tu ouvres les yeux, on dirait que tes paupières et bien, elles rentrent dans ton crâne. Tu es mon calme avant ma tempête, mon rhododendron flamboyant, mon pied droit car si je ne l’avais plus je serais bien ennuyé, quand même, il faut le dire. Sans toi, la vie serait pas la vie, quoi, merde. Malko sans Linda, c’est un peu Malko sans sa Seiko Quartz.

Tu es trop mignon, mon Malkouille et on peut dire que tu sais parler aux femmes, toi. Malko passa la main dans la chevelure dorée de l’envoûtante blonde de Bangkok, mais il ne put poursuivre son tendre élan, les mèches de la torride rousse de Yaoundé étant collées les unes aux autres.

Tu aurais pu te faire un shampooing lâcha Malko sur un ton de reproche. Linda prit son air le plus attendrissant pour répondre : C’est que je voulais garder ton sperme dans les cheveux, il sent si bon le Saint-Albray.  Tu es si... romantique dit Malko en s’approchant afin d’effectuer un transfert de bactéries buccales. L’échange d’échériascolies allait bon train quand le téléphone sonna. Malko décrocha. - Malko, agent secret d’origine autrichienne, j’écoute. - Whao, tu pues du bec répondit la voix, écartes-toi un peu du combiné, je t’en supplie. Malko s’exécuta. -Excuse, Gaspard. - Hans est à Angkor, il veut te voir au Blue Pélican dans une demi-heure. - Je ne pourrais jamais y être, j’ai paumé ma trottinette. - Écoute, vieux, tu sais comment est le patron. En plus j’ai entendu dire qu’il était d’une humeur exécrable. Il raccrocha. Que lui voulait Hans ? S’il avait pris la peine de se déplacer jusqu’au Blue Pélican, c’était sans doute pour une affaire de la plus haute importance. La dernière fois qu’il l’avait fait, Malko s’en souvenait, c’était pour lui reprocher ses méthodes jugées trop expéditives et le contraindre à remettre sa carte d’agent secret d’origine autrichienne ainsi que son arme. C’était vraiment trop zinjuste, car il avait ses méthodes, c’est vrai, mais putain qu’est-ce qu’il était efficace quand il s’agissait de buter les vilains qui menacent le monde libre.

 


15. P.A

Malko se rendit immédiatement sur la Place de la Libération du Joug Décadent et Pernicieux du Libéralisme Monopolistique, bref, le rond-point devant le dépôt de bus du quartier, et laissa tomber Lynda comme un préservatif usagé. La gaudriole avait ses heures mais Malko pensait que si Hans s'était déplacé personnellement jusqu'à Angkor, c'est que l'heure était veugra.  D'autant que depuis ce terrible attentat à la tondeuse à gazon piégée dont Hans avait été l'injuste victime au château de Lintz, un beau dimanche d'Octobre alors que les feuilles volaient sur leur amour fraîchement éclos, Hans avait gardé une certaine rancœur à l'encontre de Malko. Quand Malko lui demanda , "Hans, serais-tu assez aimable pour tondre le gazon du parc ?", il ne pouvait se douter de la terrible machination qui se tramait derrière son dos, surtout depuis que Hans n'y était plus. Depuis, le pauvre Hans faisait des pieds et des mains pour éviter tout trajet. Probablement à cause des moignons qui remplaçaient désormais ses bras et ses jambes, horriblement atrophiées par la tondeuse folle et sanguinaire.

Dans la cohorte bigarrée de la Place de la Libération du Joug Décadent et Pernicieux du Libéralisme Monopolistique, bref, le rond-point devant le dépôt de bus du quartier, Malko entendit enfin la plainte qu'il attendait. "Angkor, Angkor, Angkor " criait une frêle adolescente, comme si, prise dans une farandole de nouvelles sensations extatiques, elle venait de subir sa première pénétration anale. Tout ce qui importait pour Malko, c'était de trouver le moyen de rejoindre Angkor le plus rapidement possible. Il s'engouffra dans le bus ou ce qu'il en restait et sortit une liasse de billets qui impressionna fortement le chauffeur. –Gong Wai Angkor, lança Malko d'un ton décidé et d'un accent qu'un Pnompénien n'aurait pu désavouer, ce qui en substance, signifiait "Auriez vous l'amabilité de bien vouloir m'accorder un instant afin de me dire de la façon la plus intelligible possible, s'il serait possible de rejoindre la cité d'Angkor, temple des dieux, dans un délai compris entre tout de suite et maintenant, s'il vous plait, merci?"

Ce à quoi l'autochtone, les yeux encore fixés sur un modèle de coupure américaine dont il n'avait jamais imaginé que cela fut possible de mettre tant d'argent sur un seul bout de papier, lui répondit : " Hoî, Hoî, Hoî", ce qui, également en substance, signifiait  "Et vous ne voulez pas ma femme, pour la route, en plus, Monseigneur ?" un clignement d'œil plus loin, Malko arrivait devant le Blue Pélican, qui s'appelait désormais le Fucking Blue Pélican et avait singulièrement changé de clientèle. -Un endroit idéal pour élargir le cercle de ses amis, pensa Malko. Il s'introduit, non sans mal, dans la salle moite du Pélican. D'un coup d'œil laser, il scanna la salle et repéra instantanément Hans qui ne cessait de répéter à deux moustachus que non, il n'était pas un godemiché humain. Malko s'approcha de Hans et s'assit à la table. –Salut Hans, ça à l'air d'être le pied cet endroit. Comment t'as mis la main sur une perle pareille ? Depuis le tronçonnement involontaire de tous ses membres sauf un, Hans ne goûtait plus à cet humour qui, pourtant, avait fait la réputation de Malko, surtout lors des soirées de l'Ambassadeur, réputées pour leur bon goût. Malko acheva Hans en lui commandant un demi. Dur pour un cul-de-jatte.

 
16. Jérôme.

‘’De quoi s’agit-il ?’’ s’enquît Malko, soudain attaqué par une odeur de dessous-de-bras (ce pauvre Hans n’avait pas tout perdu). Hans avait comme lu dans la pensée de Malko : ‘’Je ne mets plus de déodorant, avoua-t-il, parce que le faire avec la bouche, c’est vraiment trop dur tous les matins. Malko nota aussi que Hans ne s’était pas rasé, sans doute pour la même raison. Hans se retourna et saisit de ses moignons un rouleau de papier (‘’tiens, on dirait Guignol ou Gnafron qui va frapper le gendarme avec sa matraque, sourit intérieurement Malko’’). Hans entreprit piteusement de dérouler le rouleau de papier avec ses moignons, mais le papier a de la mémoire : quand on le laisse trop longtemps en position enroulée, il devient très dur de l’étaler à plat sans qu’il ne reprenne, tel un ressort, sa position initiale. Et déjà qu’avec 2 mains, c’est dur… Mais Hans bataillait, il tenait un bout de la feuille dans sa bouche et déroulait le reste de son moignon droit.

Tu pourrais m’aider, finit par exploser le démembré du Wurtemberg ! Malko s’exécuta. Une carte finit par apparaître devant leurs yeux. Le Temple d’Angkor, commenta Hans. C’est là que se trouve la disquette contenant toutes les données essentielles sur la partouze qui a suivi le dernier sommet du G7. Tous les principaux chefs d’Etats sont concernés. Il faut que tu mettes la main dessus ! Comment faire, dit Malko ? En allant la chercher, crétin, elle va pas prendre le bus avec ses petites jambes ! Je sais, dit Malko, mais où est-elle ? Hans prit sa respiration et désigna une partie du plan d’un doigt virtuel.

Aile gauche du temple, après les chiottes, tu tombes sous un bas-relief érotique, une scène zoophile avec des éléphants. Éléphants d’Afrique ou Eléphants d’Afrique, rétorqua l’esprit affûté de Malko ? À ton avis on est où, là, dans ce bar ? répondit Hans. Bien, note bien : tu appuies sur la bite de l’éléphant de gauche, elle s’enfonce et ça déclenche un mécanisme. La colonne qui est derrière toi s’enfonce dans le sol, comme une bitte pour voiture dans un parking privé. La bite s’enfonce, très bien, et ensuite, dit Malko intrigué ? … Alors, elle remonte et tu continues ton chemin en direction du dix-septième pilier, celui qui est dans l’axe du soleil levant le jour du Solstice d’Eté. À tes pieds, un paillasson, tu le soulèves, la disquette est là. C’est pas un peu gros, le coup du paillasson, s’inquiéta Malko ? Mais, non, idiot, s’enflamma Hans. Parce que justement, tout le monde connaît le coup du paillasson, a tel point que personne n’irait imaginer que la clé s’y trouve réellement, surtout si c’est une disquette ! Bon, t’as soif, parce qu’après, faut que t’y ailles. ‘’Norodom, 2 Fucking Blue Curaçao, aboya  Hans. Dont un avec une paille, ajouta-t-il.




La suite... demain. 
 
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