Ce n'est pas pour son saloon ou ses chantiers que Martin O'Boygue s'en faisait. C'était pour sa Compagnie du
Télégraphe. Les Indiens Free voulaient le concurrencer avec leur système de signaux de fumée bien moins onéreux et Martin n'avait qu'une idée en tête, les fumer. Il demanda un coup de main à son
ami, Nick "Shark" Ozzie, le Sheriff de Chihuahuan. Servile et serviable, Shark flingua à tout va dès le premier conseil municipal.
" Les indiens Free ne devraient pas avoir le droit d'utiliser leurs signaux de fumée ! Gnii. C'est pas bon pour
l'environnement ces conneries ! C'est Ian Arthemus-Bertron qui me l'a dit ! Gnii. Ca produit plein de Co2 alors que le Télégraphe, non. Et c'est pas parce que c'est moins cher que ce sera
mieux. Et les Free, on comprend rien à ce qu'ils écrivent, nous, les visages pâles. Gnii. Alors moi je dis : Exterminons les indiens Free ! Plus de Free, c'est tout compris ? Gniii. Il est
d'accord le Conseil ? A voté ! Gnii. Quelqu'un a quelque chose à rajouter ou je peux rengainer mes deux Colts, mon Derringer et ma Winchester ?"
Peinture de Charles Russel 1876.
Personne ne broncha. Ni le Maire ni aucun autre membre du Conseil. Seul Frankie Fillone, le premier adjoint du Sheriff Ozzie eut l'outrecuidance de soumettre une objection. Il avait pas tout
compris, il aimait bien les indiens Free.
"Sheriff, vous ne me disiez pas, pas plus tard qu'il n'y a pas longtemps que les trois frères O'
Boygue, Martin, Orange et SheFfeR, s'en mettaient déjà plein les fouilles avec toutes leurs magouilles ?"
Bzzz, une mouche passa.
"Oui je l'ai dit. Mais Martin est un ami. Et c'est le parrain de mon fils. Ca m'est revenu quand il m'a mis une
soufflante en me rappelant que c'est grâce à lui que j'avais été élu comme Sheriff de cette ville. Et c'est pas faux. Mais qui êtes-vous, au fait ?" Et pour bien faire, il lui tira une balle
entre les deux yeux.
Jamais Frankie Fillone n'aurait dû s'opposer à Shark Ozzie. Il avait déjà une tête de croque-mort. Maintenant, il
n'avait plus qu'une tête de mort. Shark tirait vite et juste et ne supportait pas la contrariété.
Depuis son accident lors d'un récent jumping sur une pouliche, Shark Ozzie avait fréquemment ces étranges trous de
mémoire. Le fait que le sang n'atteignait pas toujours son cerveau car il portait son Stetson vraiment trop serré sur la tête était une autre raison de ses absences. Il faut dire qu'il l'avait
grosse, la tête.
Si Shark avait déjà œuvré pour O' Boygue en supprimant l'autorisation de toute publicité pour un autre saloon que le
Tea & Fwan dans la ville, Martin semblait en vouloir toujours plus. Et Martin O' Boygue n'était pas du genre à plaisanter. Il avait cette fâcheuse propension de couler ses ennemis dans
des blocs de béton. C'était son côté romantique, son cœur de métier. Il aimait l'odeur du béton au petit matin.
Shark Ozzie était bien décidé à décimer dès le lendemain la tribu des Free. S'il voulait continuer à être Sheriff de
Chihuahuan dans les années à venir, il valait mieux ne pas se faire un ennemi de Martin O' Boygue. De qui déjà ? Il avait déjà oublié. Mais les Free allaient quand même payer. Pour quoi déjà ? Il
ne s'en souvenait plus. Mais ils allaient payer quand même. Œil pour œil...
... À suivre...
L'histoire originale ici : link