19 Décembre 2011
... Reclus au fond de la dernière banquette du saloon, éclusant les Lait Fraise les uns après les autres, Shark Ozzie était inconsolable. Les chansons que Carlulla s'époumonait à transmettre à un public dissipé tout en lui adressant personnellement du regard, ne le faisaient plus aucun effet. Bryce Hurtafew avait beau lui faire un peu de lèche en apportant les derniers chiffres d'expulsions de basanés de la ville de Chihuahuan, rien. Que dalle. Klaus Gayhand, desperado onaniste d'origine germanique, Jeff Copey, Frankie Fillone, Pat Balcony et Franke Barwin étaient désarmés. Et c'était pas trop une habitude chez eux. Shark restait prostré, accablé par la nouvelle qui l'avait touché de plein fouet. Son ami, que dis-je, sa Lumière, son Timonier à lui, le chef Kee-Him, le seul ami indien qu'il ait jamais eu comme ami, avait passé l'arme à gauche (en l'occurrence, un très joli tomahawk serti de lapis-lazuli et de turquoises finement réhaussé de fils d'argent avec quelques plumes d'aigle royal). Kee-Him était un chef respecté, avec des principes et des valeurs et ça plaisait à Shark tout ça. Et puis ils faisaient sensiblement la même taille, Santiags de Shark mises à part.
Shark et Kee-Him avaient appris à se connaître après une rencontre imprévue. Alors que Shark Ozzie se soulageait à l'ombre d'un cactus nain, Kee-Him s'était approché à pas de velours et avait hurlé "Hooka Hey!". Shark s'était empalé sur le cactus. Une vieille blague indienne, un humour méconnu qui ne manque pourtant pas de piquant. Kee-Him avait eu pitié de lui, le recueillit et le soigna personnellement. Une amitié était née. Chevauchant de longues heures à travers les grands espaces, échangeant leurs points de vue, Shark avait beaucoup appris de son ami emplumé. Kee-Him lui avait donné le goût du culte de la personnalité. Kee-Him avait fait sculpter des totems à son effigie que son peuple avait ordre de placer partout dans la vallée et Shark se disait que ce serait une bonne idée de faire ça à Chihuahuan. Le peuple de Kee-Him devait danser et chanter à sa gloire tous les matins et se prosterner dès qu'il arrivait et Shark aimait bien le principe aussi. Tous les guerriers plus grands que Kee-Him avaient été amputés au niveau des genoux et là, Shark se disait que définitivement indien vaut beaucoup mieux que deux tu l'auras. Kee-Him ne parlait de lui qu'à la troisième personne de la troisième personne soit "Kee-Him devrait dire à Kee-Him que la femme de Kee-Him devrait penser à ramener du pemmican". C'était complexe mais il aimait. Et Shark aussi forcément. Tout comme l'idée géniale du chef de promouvoir son fils Mee-Nee-Kee-Him à sa place lorsque son heure serait venue.
Et l'heure était venue, avait vu et avait vaincu Kee-Him, tout lui-même qu'il fût. Alors que son esprit s'apprétait à rejoindre la Vallée des Ombres, le Grand Manitou, dieu d'entre les dieux des Indiens l'arrêta et lui refusa l'entrée sans même lui dire un mot. Un peu colère, l'esprit de Kee-Him tenta de plaider sa cause auprès du Moyen et du Petit Manitou, moins connus mais avec qui il entretenait jusque là des relations plutôt cordiales. Refus du Moyen et alors que le Petit allait ouvrir la bouche, son aîné lui adjoint de la fermer. Le sort de Kee-Him était scellé. Si même le Manitou bas ne répond plus, préviens Kee-Him que Kee-Him est dans bouse de bison pour l'éternité, se dit-il à lui-même. Sans plus attendre, son peuple l'enterra vite fait sur une colline pas loin, appartenant à un certain Jung (d'où le nom actuel déformé de Kim Jung Hill) et rentra faire la fête fait car Kee-Him emmerdait le monde depuis bien trop longtemps. On retira ces totems ridicules, on fit un énorme feu de camp avec et on bût de l'eau-de-vie et on chantat "Nini Peau d'Bison" et "Viens boire un p'tit coup dans mon Tipi" et on dansat le Twist, les valses de Vienne et la Carmagnole jusqu'à pas d'heure, quoiqu'aucun document d'époque ne permettre de le certifier totalement.
Les autres épisodes de La Vie est un Western avec les aventures du Sheriff Shark Ozzie et ses amis et ses ennemis sont ici, enfin, là où c'est en jaune : La vie est un Western