20 Août 2012
... Cet été, je suis parti à Cuba. Cuba la magnifique, Cuba la schyzophrène, Cuba l'insatiable. À La Havane, j'ai attendu des bus qui n'en sont pas et qui, de toute façon n'arrivent jamais, j'ai bu des rhums frelatés qui réveilleraient un bolchévique de sa fosse commune, maté des mulâtresses aux culs sublimes, rêvé de les prendre à la hussarde dans des ruelles sombres écrasées de chaleur. J'ai fait la queue des heures pour des morceaux de viande infects, pour des os qui améliorent le quotidien du bouillon. Je me suis battu pour des pécadilles, pour un regard, un mot de trop. Parfois pour rien aussi. Histoire de ne pas trop rouiller des phalanges.
Image © Chloe Brown aka Cautthelight sur Flickr : link
J'ai croisé des amis, des ennemis, des ex, des futures. J'ai vécu 19 vies, bien plus qu'un chat chanceux. J'ai fait des petits boulots pour survivre, coupé des cannes à sucre jusqu'à ce que mes mains pissent le sang, vendu des glaces à quelques touristes égarés (trois fois plus cher pour eux), j'ai écrit des articles, parfois. J'ai attendu aussi. Attendu des maîtresses qui ne venaient pas, attendu que la chaleur tombe sur mon balcon face à la mer, attendu que ma femme, enfin, l'emmerdeuse avec qui je vis ferme enfin sa gueule, attendu un miracle. Mais rien.
Image © Cautthelight sur Flickr : link
Alors je me suis concentré sur mon quotidien : survivre. J'ai essayé de trouver des solutions pour améliorer l'ordinaire, pensé à braquer une banque en sous-sol, vite laissé tomber et je me suis remis à ce que je sais faire, écrire, la peinture. Ca, ça va, j'arrive à en vendre. De temps en temps. Je suis allé voir ma mère aussi. Elle est folle. Ou presque. Elle parle avec les esprits. Mais c'est ma mère et je ne peux pas la laisser tomber. Pas tout le temps en tout cas. J'ai compté les indigents dans les rues, mes amis encore vivants et les maigres pièces dans mes poches. J'ai écouté les envies d'ailleurs de certains, les voyages d'autres qui en sont revenus, j'ai accumulé des rêves en prévision de jours plus sombres.
Image © Cautthelight sur Flickr : link
J'ai écouté de la musique, du Hendrix comme du Haendl mais fort, toujours fort et à l'heure que je veux. J'ai attendu que la garce revienne du boulot comme tous les soirs à 8 heures, puant la sueur et le fromage rance pour prendre ma dose d'insultes, de haine accompagné d'un bouillon de poule que j'ai dû faire passer avec un cigare. Pas un Cohiba, pas un Partagas, juste un cigare à pas cher, un cigare pour nous, les Cubains du quotidien.
Image © Cautthelight sur Flickr : link
J'ai surtout fait comme j'ai pu pour vivre un jour, une semaine, un mois de plus. J'ai l'habitude maintenant. J'ai 62 ans, je m'appelle Pedro Juan Gutierrez et j'écris avec ce que je peux, souvent mes tripes, parfois mes yeux, sans fards ni concessions. Comme d'autres avant moi. Bukowski, Fante, Miller, Selby et consorts. J'ai rencontré le succès avec ma "Trilogie sale de la Havane", puis avec "Animal Tropical", "le Roi de La Havane" et "Le Nid du Serpent". Mais je vous recommande surtout mon dernier livre chez 13e Note Editions : "L'insatiable Homme-Araignée "(à voir ici link). Et je tends ma toile pour vous accueillir comme il se doit et vous bouffer tout cru.
À noter que le texte et les digressions ci-dessus ne sont qu'une pâle copie ourdie par votre serviteur pour tenter de vous donner envie de lire le livre de Pedro Juan Gutierrez. Ce n'est donc pas un texte de Pedro Juan Gutierrez qui a demandé à recevoir à Cuba par le biais de son agent ma main (coupée) par Chronopost pour ce crime de lèse-majesté. Dont acte. Ne pas confondre PJ et PA, donc.