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I have a dream

 

... Sur l'herbe verte, rouge ou bleue, une tonne de muscles va fouler la pelouse. Humant le gazon fraîchement cisaillé (Guy Roux aurait détesté) par les crampons d'un rugueux milieu de terrain fort mal éduqué, Edouard Cissé, Doudou pour les amis et les autres, regarde le stade de L'Abbé Deschamps. Les banderoles assassines. Les supporters qui sont, malgré tout, derrière eux, leur équipe, leurs couleurs. Peut-être est-ce son dernier match à Doudou. Il ne sait. Ne s'est pas encore posé la question. Il a 34 ans. Comme le nombre d'années que son club, l'AJA ou Association de la Jeunesse Auxerroise, vient de passer en première division. Etrange hasard. Sautillant sur place pour ne pas refroidir, il attend le signal de l'arbitre. Missilou sort, perdu, bras ballants. Il lui prend la tête à deux mains, le réconforte comme il peut. Il est jeune Missilou, il en verra d'autres.

 

Les-pronos-d-Edouard-Cisse.jpeg

 

Doudou allonge la foulée, va se positionner. Il faut qu'il bétonne le milieu de terrain même s'il n'y a plus vraiment d'enjeu. Même si la deuxième division ouvre ses bras au club de Guy Roux, d'Enzo Scifo, de Laurent Blanc, de Cantona. Alors Doudou y va, il ratisse large, déploie ses compas, cisaille au besoin. Arriver à tenir le nul face au premier du championnat quand on est vingtième, c'est plus qu'un exploit. C'est un miracle. En face, Montpellier tente encore et toujours de jouer de l'avant, de percer. Le match nul leur suffit pour être champions de France pour la première fois de leur histoire mais tant qu'à faire, y ajouter un peu de panache et une victoire de plus au compteur, ça aurait de la gueule. Alors ça pousse, ça combine, ça malaxe la défense d'Auxerre aux abois, ça tourne autour, ça change de côté pour chercher de l'espace. Mais Doudou est là. D'une extension aérienne, il récupère la transversale mal ajustée, contrôle, lève la tête et voit Chafni décalé. Le Marocain capte le ballon, accélère, dribble un défenseur, deux. Doudou a suivi. Chafni lève la tête, se remet sur son bon pied et ajuste un centre incurvé d'une inouïe délicatesse. Un ruban de velours. Dans la surface, Doudou s'élève. Un instant. Une éternité. Et boxe de toute ses forces le ballon de la tête qui rebondit juste devant Jourdren qui ne peut que constater le désastre. But. L'Abbé Deschamps oublie tout, rien qu'un instant. Doudou est ailleurs. Il revoit tous ses matchs en une seconde. Pau, Paris, Rennes, Paris, West Ham, Monaco, Paris, Besiktas, Marseille, Auxerre. Tout est allé si vite. Il n'entend même pas l'arbitre siffler la fin du match, ne voit pas les Montpellierains s'effondrer en petits tas de sable, disparaître dans le gazon. Il regarde le tableau d'affichage, 2-1, voit son nom. Sourit. Il ne sait pas qu'à Lorient le PSG mène 2-0. Il ne sait pas que son but donne le titre au club de son cœur. Il savoure, c'est tout. Et tout le reste, il s'en fout.


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