9 Mai 2012
Il l'avait fait. Frankie Lowland (L'Homme des pas très Hautes Plaines, donc) avait terrassé Shark Ozzie pour le poste de Sheriff après cinq ans d'un règne sans partage. L'hyper Sheriff l'avait hyper mauvaise. Pour lui, le coup était rude. Little Big Mad allait devoir rendre son étoile et redevenir un citoyen ordinaire. Il avait pourtant mis tous les atouts de son côté, pactisé avec Mareen Nepel pour tenter de s'octroyer les voix de ceux qui avaient voté au premier tour pour la Vache des Appalaches, comme la surnommaient presque affectueusement certaines personnes dont ce serait bien de ne pas citer le nom pour leur éviter de sanglantes représailles. Il avait extrémisé son programme, assuré qu'il mettrait des barbelés partout autour de Chihuahuan, promis d'accueillir de moins en moins de nouveaux Chihuahuaiens, offert des tournées générales. Mais rien n'y fit. Avec 516 voix contre 483, Frankie Lowland le dépassa d'une courte tête. Mais une tête quand même. L'histoire de sa vie, en somme. En attendant, le moral de Shark était si bas qu'il avait depuis longtemps dépassé le fond des ses chaussettes pour aller se loger tout en bas, dans ses abysses personnelles, au fond du trou, encore plus profond que la bien nommée Fosse des Mariannes (-11034 mètres) : dans ses talonnettes.
Autour de lui, ses fidèles factotums, ses cerbères habituels, ses desperados préférés le regardaient dépérir comme les vautours attendent le dernier souffle du coyote pour commencer à déchiqueter sa chair encore tendre mais délicieusement réchauffée par le soleil du désert qui tape dur. Dans ses propres rangs, la révolte grondait, les égos gonflaient et ça allait être "Règlements de Comptes à OK Corral + Du Sang dans la Prairie + La Bataille Sans Merci + Les Cent Fusils + La Charge des Tuniques Bleues + Fort Alamo + Danse avec les Loups + Le Dernier des Mohicans". En bref, c'était la Dernière Séance. Et le rideau sur l'écran était tombé.
La seule chose que savait Shark Ozzie en ce moment, c'est qu'il était dans le doute. Il avait laissé en suspens sa participation aux combats futurs, il ne faisait rien, ne disait rien, n'avait goût à rien. Même les délicates mélopées de sa Carlula le gavaient grave. Savoir que ce mollusque de Frankie Lowland avait désormais son étoile à lui, c'en était trop. Sans son étoile, Shark avait peur que le vent tourne et pas forcément à son avantage. Entre les Kara Shee et les Iraquois, ça ne sentait pas bon. De son côté, Frankie Lowland se pavanait béatement dans la rue avec sa breloque et sa dernière conquête (à part l'étoile), la volcanique Val'Ree Try-Wailer. Un surnom qu'elle avait gagné en se tapant un jeune musicien d'origine non chihuahuaienne qui venait d'inventer un rythme syncopé qui fit fureur dans l'ouest à cette époque. Un certain Robert N. Marley. Sa chanson "I shot the Sheriff" était vite devenue la chanson officielle de la campagne de Frankie Lowland et dans chaque bar de la ville, on entendait résonner le même morceau accompagné d'une fumée d'origine indéterminée.
Frankie avait bien tué le Sheriff mais à mains nues, sans armes, juste des urnes. Désormais, la loi c'était lui. Pour beaucoup de Chihuahuaiens stigmatisés par des années d'Ozzisme, c'était un motif d'espoir. Pour les autres, c'était le début de la révolution, la fin du monde, l'apocalypse tout de suite avec grosse caisse, trompette et chevauchée des walkyries incluses. Mais en fait non. Shark Ozzie n'était plus le Sheriff de Chihuahuan mais il restait encore autant de travail à faire. Et si jusqu'à présent, Frankie Lowland n'avait pas montré grand-chose à part savoir perdre quelques kilos et changer sa voix pour faire plus mâle, il avait quelques années devant lui pour montrer qu'il avait le calibre de sa nouvelle fonction. En plus du Colt 45 et de la Winchester officielle fournis avec le poste.
Profitant de la joie ambiante et d'un fort joli coucher de soleil nécessaire à un départ dans les règles de l'art pour tout bon western qui se respecte, Shark Ozzie s'éclipsa, cataclip cataclop, sur son poney. Personne ne lui prêta attention. Maugréant dans sa barbe naissante, il se mit à chanter à tue-tête dans les rues de Chihuahuan, espérant qu'enfin quelqu'un le salue. Mais ce fut peine perdue.
"I'm a poor lonesome cowboy
i've a long long way from home
and this poor lonesome cowboy
has got a long long way to roam
over mountains and over prairies
from dawn 'til day is done.
My horse and me keep riding
into this settin' sun.
There are guys who just figure
have a problem with a gun
and a finger on the trigger
can be dangerous, hurt someone
but problems solve much better
by keeping calm and true.
My horse and me keep riding
i ain't nobody's fool.
I'm a poor lonesome cowboy
but it doesn't bother me.
cause this poor lonesome cowboy
prefers a horse for company
but nothing against women
but i wave them all goodbye.
My horse and me keep riding
we don't like being tied.
I'm a poor lonesome cowboy
I've a long long way from home."
... À suivre...